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Gangrène médiatique généralisée (ndlr)

Des médias et de la démocratie

Mardi, 22 avril 2014 - 6h21 AM

mardi 22 avril 2014

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Source : Médiapart
PAR PUCCIARELLI ALAIN

Nous avons en France, sur le plan médiatique, et au niveau de l’Etat, la sale manie de taper sur la Russie, alors même qu’elle ne représente aucun danger ni sur le plan économique ni sur le plan idéologique. Sur le plan militaire, elle reste certes une puissance conséquente, mais limitée, du fait de la faiblesse économique du pays. Son arsenal stratégique est-il encore pertinent ? Mystère. L’armée russe est forte au regard des armées européennes, mais pèse peu face à l’armée US. Elle permet pourtant à la Russie de résister tant bien que mal aux efforts incessants de l’Occident pour la minorer autant que faire se peut. Cette russophobie étonnante se décline via des titres médiatiques, des papiers plus ou moins bien tournés et argumentés, des crises d’angoisse conjuguées en lamentations solennelles et prophétiques, bref, il existe de toute évidence une peur de la Russie qui, pourtant, a longtemps été une alliée (efficace) de la France. Les éditorialistes font leurs gammes sur l’ « affreux M. Poutine », et paraissent beaucoup moins critiques devant les folies européennes qui nous ruinent, un accord transatlantique négocié dans le dos des citoyens européens, ou le délitement de l’Etat qui s’accélère sous le règne de M. Hollande. Notre démocratie bien malade souffre qu’un référendum soit contredit par le Parlement, ou qu’un président tourne le dos à ses promesses de campagne dès après son élection. L’Europe se construit contre la volonté d’une part grandissante des Européens, et écrase des sociétés entières au nom des équilibres financiers, qui sont en la matière le contraire absolu des « droits de l’homme » dont on nous rebat les oreilles à tout propos. Du haut du magistère parisien qui spécifie la France dans le concert culturel et politique des nations, le « populisme » ici et ailleurs est traqué sans relâche, comme si l’exaspération des gens n’avait d’autre cause que leur sottise, le racisme ou quelque autre défaut rédhibitoire. On donne des leçons au monde entier, et on oublie quel est l’état de la presse écrite et audiovisuelle dans notre pays, et son inféodation scandaleuse aux puissances économiques. L’unanimisme idéologique est devenu une règle absolue dans les médias « main stream », pour parler post moderne. Cet état de fait devrait tempérer la fougue de nos éminents observateurs, experts et journalistes de tout poil qui entonnent d’une même voix les mêmes billevesées que la crise des économies occidentales rangera demain au rayon des curiosités sociétales. Il est pour le moins étrange que, souvent, les points de vue affichés haut et fort sur les ondes et ailleurs rejoignent systématiquement les positions américaines, et qu’il devienne (plus ou moins) difficile de savoir qui donne les éléments de langage, comme l’on dit aujourd’hui. Comment, depuis un contexte parfaitement critiquable, nos élites médiatiques ont-elles le front d’avancer glorieusement sous le drapeau de la liberté d’expression et de la démocratie sans faire un salubre travail de nettoyage chez nous ? Vaste question à laquelle il conviendrait de consacrer une belle étude, peut-être en cours d’élaboration. Les ouvrages sur le sujet ne manquent d’ailleurs pas. Aussi, le citoyen plus ou moins éclairé doit-il chercher des sources d’information indépendantes, et se protéger du battage médiatique des radios et journaux traditionnels. Vive donc Médiapart, le Monde Diplomatique, le blog de Paul Jorion (etc…), vive donc les analyses de MM. Sapir et Lordon (etc…), pour soigner et nourrir notre esprit critique. L’information libre est devenue une sorte de Graal qui demande à chacun d’entre nous l’engagement dans une quête fort heureusement rapidement couronnée de succès, dès lors que l’on s’y attelle. Est-il encore possible en France de s’extraire du fantasme « droitdel’hommiste » pour juger des affaires du monde, dont les nôtres ? Certes, mais ce combat n’est jamais terminé. Ce qui, entre autres arguments, permet encore d’espérer en un avenir meilleur.