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La logique de l’extrêmisme : il ne peut que provoquer l’extrêmisme.

Courrier International informe

samedi 25 décembre 2004

ÉVACUATION DE LA BANDE DE GAZA - « La société israélienne est en danger »

Etoile orange pour protester, appel à la désobéissance civile... Les colons qui doivent être expulsés de la bande de Gaza multiplient les initiatives contre l’évacuation et brandissent le spectre de la guerre civile. De quoi susciter un ardent débat au sein de la société israélienne.

Un colon juif de la bande de Gaza - AFP

« Quelques mots à l’attention du Hamas et des perceurs de tunnels : ne faites pas trop d’efforts pour nous massacrer tous ! Les colons extrémistes vont faire ça très bien, en sapant les fondements de l’existence d’Israël. » Dans le quotidien de gauche Ha’Aretz, Yoel Marcus ne mâche pas ses mots et donne libre cours à sa fureur à l’encontre de ceux qui luttent contre l’évacuation de la bande de Gaza. Deux initiatives des colons provoquent tout particulièrement l’ire de l’éditorialiste. L’une est l’encouragement à porter des étoiles de David orange en signe de rejet de l’évacuation ; l’autre est l’appel à la désobéissance civile, en particulier de la part des militaires, pour saboter le processus d’expulsion.

Le port de l’étoile orange a « généré une vague de protestations d’une ampleur inattendue, que mêmes les colons à l’origine de cette initiative n’avaient pas prévue », note Ha’Aretz. Lesquels colons « ont finalement décidé de cesser de distribuer ces étoiles orange devant les violentes critiques provenant de l’ensemble des partis politiques », signale Israel Insider. « Mais, malgré les accusations de briser un tabou en faisant référence à l’étoile jaune imposée par les nazis, ces colons ont refusé d’appeler à ne plus porter ces étoiles orange », poursuit le webzine de droite.

Toutefois, l’opinion publique a été tellement choquée que le Yesha, le conseil des colons de Cisjordanie et de la bande de Gaza, a été obligé de condamner officiellement l’initiative des extrémistes. Lors d’une interview télévisée, le général Stern, responsable des ressources humaines de l’armée, a même déclaré : « Les gens qui portent l’étoile orange sont des négationnistes ; ils ne font pas partie du peuple d’Israël. Si le génocide perpétré dans les camps nazis ressemblait vraiment à ce que nous allons faire à ces gens, alors cela signifierait que ce génocide n’avait rien de terrible ou d’unique. » Cet officier supérieur a cité un commentaire de ses parents, tous deux survivants des camps, qui décrivaient l’initiative des colons comme « une folie ».

De leur côté, note Israël Insider, les Israéliens à l’origine du port de l’étoile orange se justifient en déclarant que « le but était de secouer les gens, et nous y sommes parfaitement parvenus. Jusque-là, ce que nous allons subir n’avait provoqué aucune réaction populaire. Nous sommes tristes d’avoir dû recourir à un moyen aussi radical, mais nous avons obtenu ce que nous voulions : un débat. »

La capacité des colons à susciter le débat est d’ailleurs largement avérée. « Leur appel à la désobéissance civile pour lutter contre l’évacuation de la bande de Gaza ne peut que donner lieu à discussion », constate d’ailleurs The Jerusalem Post. « Mais cet appel génère surtout une escalade rhétorique à un moment où nous avons besoin, plus que tout, de sérénité. »

Moshe Ya’alon, le chef d’état-major de l’armée israélienne, a affirmé que « les soldats doivent obéir à leurs officiers, pas à des rabbins. Tsahal n’acceptera pas les considérations idéologiques comme une raison valable pour les militaires de refuser de participer aux expulsions. Seuls les soldats dont les familles vivent dans la bande de Gaza seront exemptés de cette tâche. De la même manière que nous avons sanctionné les militaires qui ont signé une lettre de refus de servir dans les Territoires [la Cisjordanie et la bande de Gaza occupés], nous sanctionnerons ceux qui refuseront de participer aux évacuations. L’armée ne peut pas se laisser aller au désordre ; un soldat ne reconnaît qu’une seule autorité, celle de son commandement. »

Certes, commente Israël Insider, « mais si trop de soldats signent la pétition pour la désobéissance civile, le commandement devra bien en tenir compte d’une manière ou d’une autre, ne serait-ce que parce qu’à ce moment-là les expulsions deviendront franchement difficiles à mettre en œuvre concrètement. » Pour le Jerusalem Post, également de droite, « l’appel à la désobéissance civile est malsain, et nous partageons les inquiétudes du ministre de la Justice, Tzipi Livni, pour qui ’la société israélienne est en danger’. Il n’est pas bon que l’on puisse désobéir à la loi et décréter tout de go que cette loi est ’illégale’. » Mais, insiste le quotidien, « il est aussi important de respecter le droit des gens à protester contre les décisions de l’Etat. »

Protester peut-être, semble reprendre en écho Yoel Marcus, « mais pas prendre en otage. Les campagnes d’intimidation de cette minorité d’activistes sont inacceptables. Personne ne dit que ce qu’ils vont devoir vivre est facile et agréable ; il faut cependant rétablir la vérité : les colons ne sont pas des pionniers, mais des résidents qui durant trente-sept ans ont été trop gâtés, couverts d’argent et de terres. Ils n’ont pas le droit de nous forcer à vivre en guerre perpétuelle pour leurs petits intérêts personnels. »

Et l’éditorialiste d’Ha’Aretz de conclure : « L’Etat d’Israël a déjà vécu deux tentatives de rébellion, en 1948 et en 1951. Ben Gourion a réprimé les deux par la force. Aujourd’hui, le gouvernement a toutes les armes légales pour imposer son point de vue. Il peut faire juger les meneurs de la révolte, emprisonner les rabbins... A lui d’être fort et d’aller jusqu’au bout, jusqu’à la paix. Nous ne devons pas nous laisser effrayer par les menaces d’une guerre civile que brandissent les colons. Nous sommes plus forts qu’eux, et notre cause est juste. »

Eric Glover