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BDS - Boycot Désinvestissement - Sanctions

Une nouvelle usine Sodastream sur les terres des Bédouins du Néguev

Lundi, 24 février 2014 - 7h26 AM

lundi 24 février 2014

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alt Bédouins de la tribu Jahalin, chassés pour faire place à la colonie où se trouve l’usine Sodastream (photo ActiveStills, http://www.activestills.org)

Par Andrew Beale [1]

Un des profiteurs de l’occupation, SodaStream[1], s’est fait beaucoup remarquer récemment avec le choix de Scarlett Johansson comme porte-parole[2] : afin de pouvoir continuer à représenter la compagnie, la célèbre actrice a préféré démissionner de son rôle d’ambassadrice des Droits humainspour Oxfam.

Alors que l’importante campagne de boycott et que la controverse entre Oxfam, Scarlett Johansson et Sodastream dirigeaient les médias internationaux sur son usine située dans la colonie israélienne de MishorAdumim[3], Sodastream annonçait l’avancement de son projet d’ouverture d’une deuxième fabrique, cette fois à l’intérieur des frontière internationales d’Israël.

A l’image de l’original en Territoire palestinien occupé, cette usine va bénéficier des politiques discriminatoires d’Israël envers ses citoyens non-juifs. Sodastream a présenté sa décision d’installer sa nouvelle usine près de Rahat, une ville de regroupement des Bédouins du Néguev[4] comme une avancée positive dans une région touchée par un chômage important. Cette installation fait partie d’une stratégie qui date au moins de 1963 quand le général Moshe Dayan décrivait sa vision future des Bédouins. "Nous devrions transformer les Bédouins en un prolétariat urbain, disait-il. Ce sera un changement radical qui implique que le Bédouin ne vivra plus sur sa terre avec ses troupeaux mais deviendra un citadin qui met ses pantoufles quand il rentre à la maison le soir".

Rahat a été fondée par le gouvernement israélien en 1971 comme ville planifiée pour les Bédouins que ce même gouvernement expulsait de ses terres du Néguev. Selon un rapport publié par le Centre Adva[5] pour l’information et la justice sociale en Israël, Rahat, comme les autres villes planifiées reçoit les plus faibles allocations budgétaires municipales en Israël et souffre d’un sévère manque d’infrastructures.

Dès le tout début de l’Etat sioniste, avant même l’établissement de ces villes de regroupement, Israël poursuivait une politique de massacre et de nettoyage ethnique[1]. Ces dernières années, cette poussée au divorce des Bédouins de leur héritage agricole traditionnel s’est intensifiée avec une initiative du gouvernement israélien connue sous le nom de plan Prawer. Si la loi avait été votée, ce plan aurait conduit à chasser au moins 40 000 citoyens israéliens bédouins du Néguev. Ce plan a finalement été suspendu à la fin de l’année dernière mais les militants bédouins du Néguev disent qu’il va continuer à se réaliser mais sous une autre forme.

Pas de consultation des Bédouins

Le Dr Thabet Abou Rass est le directeur du bureau du Néguev d’Adalah, le Centre juridique pour les droits de la minorité arabe d’Israël. Il explique que désormais ce plan est sous la direction du ministre de l’Agriculture, Yair Shamir qui a déjà manqué à une de ses promesses, à savoir rencontrer les citoyens bédouins du Néguev[2]. "Il n’a jusqu’à présent parlé à aucun leader représentant les Bédouins que je connaisse, précise Thabet Abou Rass, il me semble que ce que nous voyons est un changement de personne en charge sans aucune modification de la politique d’expulsion".

Thabet Abou Rass rappelle que Yair Shamir a promis de geler le plan pour un mois, le temps qu’il rencontre les habitants du Néguev alors que celui-ci n’a visité aucun des villages non reconnus menacés de démolition, qu’il a déclaré au Jerusalem Post[3] que si le dialogue échouait, le plan Prawer serait mis à exécution "de force", dialogue qu’il n’a évidemment jamais recherché et que le gouvernement israélien continue ses menaces de violence.

"Une période très difficile"

"Nous traversons une période très difficile, nous dit Thabet Abou Rass, avec des démolitions de maison quotidiennes, des bergers pourchassés pratiquement chaque jour"

Amir Abo Kweder, militant bédouin[4], explique qu’alors que le parlement israélien, la Knesset, a gelé les travaux de la commission chargée du projet de loi du plan Prawer, pratiquement rien n’a changé de la politique constante de démolitions dans le Néguev.La mise en œuvre du plan Prawer est "juste une question d’échelle, pas de savoir si il est réellement en train de se produire ou pas, nous dit Amir Abo Kweder, nous voyons des petits plans Prawer se réaliser chaque semaine et même chaque jour".

Pendant une visite du Néguev organisée pour la presse en décembre dernier, le porte-parole du gouvernement israélien a vanté les mérites de la future usine Sodastream planifiée dans la zone industrielle de Lehavim[5] comme d’une solution économique pour les Bédouins citoyens d’Israël déplacés de force de leurs terres. Cette visite faisait suite à celle de la vitrine sponsorisée par l’Etat du Centre pour l’emploi pour les Bédouins du Néguev destiné à aider les Bédouins à s’ "ajuster" à leur transition forcée de leur mode de vie agricole traditionnel.

L’envoyé du gouvernement, OferAssaraf, de la Direction pour le développement économique de la communauté bédouine du Néguev, a affirmé à un point-presse que l’usine Sodastream va employer entre 2 300 et 3 000 employés alors que certains médias ont rapporté un nombre beaucoup plus bas d’environ 700 personnes[6].OferAssaraf et d’autres officiels ont ouvertement lié zone industrielle de Lehavim et plan Prawer, expliquant aux journalistes que les Bédouins qui se seront installés dans les villes de développement après avoir quitté les "villages non reconnus" trouveront du travail dans les usines de Lehavim.

Daniel Birnbaum, le PDG de Sodastream, a quant à lui déclaré que sa société a décidé d’ouvrir une usine dans le Néguev à la suite de promesses de subventions généreuses du gouvernement. Selon le magazine économique israélien Globes, il s’est toutefois plaint que le gouvernement "n’avait pas tenu ses promesses"[1]. A noter que ni Sodastream, ni le Centre pour la promotion de l’investissement qui dépend du gouvernement israélien, n’ont voulu répondre aux demandes répétées de commentaires d’Electronic Intifada.

Le soutien de l’Etat à l’usine Sodastream du Néguev est une application claire, dans le monde réel, de la vision de Moshe Dayan où les Bédouins sont arrachés à leur mode de vie traditionnel pour travailler en usine plutôt que dans l’agriculturecomme ils le faisaient depuis des générations.

"Nous ne recherchons pas des travaux d’ouvrier. Les Bédouins ont droit à l’égalité de choix, tout comme n’importe quel Juif qui habite le Néguev. Dans les 5 dernières années, pratiquement 95% de jeunes embauchés l’ont été pour des postes d’ouvrier, explique Thabet Abou Rass, nous avons besoin d’une économie durable afin de conserver si possible, la richesse dans le Néguev".

Scepticisme

Amir Abo Kweder explique que de nombreux habitants du Néguev sont sceptiques au sujet des possibilités d’emploi proposées par Sodastream et les autres usines de Lehavim. "J’ai entendu des gens [dire] que lorsque le plan Prawer sera mis en application, un grand nombre de personnes seront déplacées à Rahat – et qu’ensuite ils y auront un travail modeste comme travailleur dans une usine, dit-il. Je ne crois pas qu’à terme ce soit une bonne option parce que cela va entretenir la situation de Rahat où des gens vivent avec des petits salaires et de faibles revenus ce qui ne permet aucune mobilité sociale pour la communauté".

Conforter l’apartheid

L’usine Sodastream de MishorAdumim – la zone industrielle de la colonie israélienne de Ma’alehAdumim – est sans aucune ambiguïté illégale aux termes des lois internationales car la colonisation viole la 4e Convention de Genève qui prohibe tout transfert de civils dans des territoires sous occupation. Les médias israéliens et américains ont essayé de dépeindre MishorAdumim comme un paradis de coopération et de tolérance entre employés israéliens et palestiniens mais les déclarations de ces derniers présentent une toute autre histoire.

Un ouvrier palestinien de Sodastream a déclaré à Electronic Intifada que la compagnie les traite comme des esclaves[2]. Par ailleurs, un ancien employé de l’usine a raconté à Al Jazeera que la direction de l’usine ne suit pas les recommandations de sécurité et que celle-ci est "bien moins sûre qu’elle ne le prétend"[3].

"Il y a énormément de racisme ici" a dit un autre employé de Sodastream à l’agence Reuter. "La plupart des cadres sont Israéliens et les travailleurs palestiniens ne peuvent pas réclamer des augmentations de salaire ou d’autres avantages car ils risquent d’être renvoyés et facilement remplacés”[4].

L’existence même de l’usine MishorAdumimne fait que conforter l’occupation et le système d’apartheid israélien. La colonie de Ma’alehAdumim s’est établie dans les années 1970 et s’est considérablement étendue prenant la terre appartenant à 5 villages palestiniens. En 1988 Israël a chassé 1 050 Bédouins vivant à proximité, les forçant à se réinstaller près d’une des décharges de Jérusalem[5].

La nouvelle usine du Néguev s’inscrit dans la continuation du soutien de Sodastream à l’apartheid et à la colonisation. Amir Abo Kweder explique que quel que soit le nombre de personnes qu’elle va employer, la société ne pourra pas selaver les mains des crimes commis en Cisjordanie. "Nous ne devons pas oublier le fait que l’usine de MishorAdumim a été construite sur des terres volées à des Palestinienset que ceux-ci en ont été chassés, dit-il. Que Sodastream essaye d’améliorer sa réputation en en construisant une autre ici dans le Néguev au sein d’une communauté fragilisée n’efface pas le fait qu’ils continuent à commettre un crime en Cisjordanie."

Source : http://electronicintifada.net/content/new-sodastream-factory-could-help-destroy-bedouin-agriculture/13182