Accueil > Sociétés Civiles à Parlement Européen > Archives > Actualité des instances internationales > Tony Blair, égal à lui même, sème la discorde sans savoir lui même où il (...)

L’heure de la récolte a sonné

Tony Blair, égal à lui même, sème la discorde sans savoir lui même où il va.

vendredi 24 décembre 2004

Tony Blair revoit ses ambitions à la baisse

En visite à Jérusalem et à Ramallah où il s’est entretenu avec les principaux dirigeants israéliens et palestiniens, le Premier ministre britannique a annoncé la tenue en mars prochain à Londres d’une conférence internationale sur le Proche-Orient. Tony Blair a toutefois dû renoncer à son audacieux projet de relancer les négociations israélo-palestiniennes, Ariel Sharon ayant confirmé que les Israéliens ne se rendraient pas dans la capitale britannique. A Ramallah, le chef du gouvernement britannique s’est incliné un bref instant devant le mausolée de l’ancien président de l’Autorité palestinienne, décédé le 11 novembre dernier à Paris. Mais soucieux de ne pas froisser les autorités israéliennes, Tony Blair n’a pas déposé de gerbe devant la tombe de Yasser Arafat comme le souhaitait pourtant la direction palestinienne.

Il n’y aura pas de relance officielle du processus de paix entre Israéliens et Palestiniens à Londres. La grande ambition de Tony Blair de réunir dans la capitale britannique les deux parties pour mettre enfin sur les rails la Feuille de route s’est en effet réduite comme une peau de chagrin devant l’intransigeance d’Ariel Sharon qui a catégoriquement refusé qu’Israël prenne part à la conférence qui doit se tenir en mars prochain. Prenant donc en compte la position des Israéliens -qui semblent avoir sur ce point l’appui de l’administration Bush- le Premier ministre britannique a donc revu sa copie et défini de nouveaux objectifs pour la rencontre de Londres qui doit se dérouler sur une journée. Il s’agit, a-t-il en substance précisé, de favoriser l’émergence d’une direction palestinienne modérée et de soutenir les réformes aussi bien dans les domaines politiques, qu’économiques ou encore sécuritaires. « Mon objectif est d’aider l’Autorité palestinienne et son peuple afin que nous puissions reprendre les négociations », a ainsi affirmé Tony Blair en souhaitant que la conférence de Londres puisse être « un pont » vers la Feuille de route, ce plan de paix international qui prévoit la création aujourd’hui plus qu’hypothétique d’un Etat palestinien en 2005.

Pour le Premier ministre britannique, l’objectif à atteindre est avant tout d’aider les Palestiniens à devenir « des partenaires pour la paix ». « Sans un véritable partenaire doté d’institutions démocratiques, d’une économie et de services de sécurité efficace, il ne sera pas possible de revenir à la Feuille de route », a-t-il insisté en soulignant qu’il ne pouvait y avoir de « négociations réussies ou de paix sans la cessation du terrorisme ». Un discours auquel ne pouvait qu’adhérer Ariel Sharon qui, du coup, a salué l’initiative de Tony Blair n’hésitant pas à la qualifier de « très importante ». Emboîtant le pas à son homologue, le Premier ministre israélien a exigé « un arrêt total du terrorisme », accusant l’Autorité palestinienne de n’avoir rien fait jusqu’à présent à ce sujet. « S’il y a un arrêt total du terrorisme, des hostilités et des provocations, alors ma porte sera ouverte pour la Feuille de route », a-t-il ajouté laissant entrevoir pour la première fois une possibilité de négociation en dehors de l’application de son plan de retrait de la bande de Gaza. Ariel Sharon a même estimé qu’un « dialogue pourrait reprendre » avec la direction palestinienne après l’élection du 9 janvier qui doit désigner un successeur à Yasser Arafat, l’homme qu’il avait isolé en déclarant qu’il n’était pas un partenaire pour la paix.

Colère des Palestiniens

Mais Mahmoud Abbas sera-t-il un partenaire plus fiable ? Le grand favori de la présidentielle palestinienne, en pleine campagne électorale, a encore récemment réaffirmé, à l’issue des quarante jours de deuil, qu’il assumait entièrement l’héritage politique de Yasser Arafat. Mais il a également appelé à l’arrêt de la lutte armée à travers le dialogue, visiblement peu désireux d’engager une épreuve de force armée contre les radicaux du Hamas et du Jihad islamique hostiles pour le moment à toute trêve avec Israël. Conscient cependant de l’importance d’un engagement de la communauté internationale dans le dossier israélo-palestinien, Mahmoud Abbas a salué l’initiative de Tony Blair convenant que même sans la présence à Londres des Israéliens, la conférence serait « un premier pas vers une reprise de la consolidation du processus de paix », aujourd’hui totalement dans l’impasse. « Nous avons confiance dans le fait que cette conférence sera le premier pas dans notre quête commune pour consolider les bases de la paix », a-t-il notamment déclaré de façon très diplomatique.

Cette position mesurée est loin d’être partagée par l’ensemble des Palestiniens à commencer par le Premier ministre, Ahmed Qoreï, qui a vivement critiqué jeudi aussi bien les déclarations de Tony Blair que le nouvel ordre du jour de la conférence de Londres. « Nous avons entendu ce qu’il a dit en Israël puis ici à Ramallah sur sa volonté de tenir une conférence pour habiliter les Palestiniens à participer au processus de paix. Nous rejetons ces déclarations inacceptables car nous sommes déjà habilités et disposons des moyens et de l’expertise nécessaires pour négocier et nous l’avons fait par le passé dans des conditions difficiles », a-t-il déclaré dans un communiqué, visiblement remonté. Le chef du gouvernement a également estimé que les Palestiniens avaient besoin d’une « conférence internationale de paix et non pas d’une simple réunion » sur les réformes palestiniennes. Dans des termes particulièrement, Ahmed Qoreï a estimé que « ce sont les Israéliens qui ont besoin d’être habilités pour la paix et M. Blair aurait dû l’exiger ». « Nous n’avons besoin ni d’Oxford ni de Cambridge -deux prestigieuses universités britanniques- car nous avons déjà le désir et la volonté pour la paix », a-t-il poursuivi, soulignant que les Palestiniens « ont assez de muscles pour négocier la paix ». « Nous en avons les capacités et nous savons dire ‘oui’ ou ‘non’ quand il faut », a conclu le Premier ministre palestinien.

Coïncidence ou non, un haut responsable du Hamas avait peu de temps auparavant estimé que la conférence de Londres visait « à intensifier les pressions sur l’Autorité palestinienne pour qu’elle procède à des réformes structurelles au profit d’Israël ». Selon Ismaïl Haniyé, l’ordre du jour prévu de cette rencontre « fait apparaître le peuple palestinien et sa résistance, et non pas l’occupation et l’oppression, comme étant l’origine du problème dans la région, ce qui revient à disculper l’ennemi des agressions et des massacres qu’il commet ». Le mouvement radical avait aussitôt appelé l’Autorité palestinienne à ne pas se précipiter sur une telle conférence qui, selon lui, cherche avant tout à « dresser les services de sécurité palestiniens contre la résistance ».

La virulence de ces propos -tenus à la fois par le chef de l’exécutif palestinien et le responsable du principal mouvement d’opposition- place la conférence de Tony Blair sous de bien mauvais auspices.

Mounia Daoudi
Article publié le 23/12/2004
Dernière mise à jour le 23/12/2004 à 16:26 (heure de Paris)