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Le comble du cynisme ! (ndlr)

« L’élite de la sécurité en Israël ne veut pas la paix »

Mercredi, 29 janvier 2014 - 7h06 AM

mercredi 29 janvier 2014

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Jonathan Cook* –

Dissimulé derrière tant l’accès réservé aux abonnés que dans les pages affaires de Haaretz, c’est l’un des articles les plus astucieux que j’ai pu voir dans les médias israéliens. Il relate comment Israël (plus encore que d’autres États occidentaux) s’est trouvé sous la domination d’une élite de la sécurité – ce qu’on appelle ici un « réseau sécurité » - qui n’a aucun intérêt dans la paix, bien qu’elle apprécie de plus en plus ce processus de paix interminable. La guerre et la sécurité, c’est bon pour le business, pour ce qui concerne cette élite.

Il est plus que possible, comme le note l’article, que la direction palestinienne fasse partie de ce réseau sécurité. Un universitaire cité observe : « Je pense que dans les deux élites, israélienne et palestinienne, certains veulent cet situation perpétuelle de nation-attendant-de-naître, et qu’ils en tirent profit. Un État créé signifie non seulement des problèmes sociaux graves, mais aussi des limitations et des contraintes sur la direction politique. »

La première partie de l’article est également intéressante mais plus inquiétante précisément concernant ce que Guy Rolnik, l’un des meilleurs auteurs de Haaretz, appelle « les milices fiscales indépendantes » d’Israël, ces grandes sociétés qui ont fait monter le coût de la vie à travers des pratiques de cartels autorisées par le gouvernement.

Ainsi les gens ont une occasion de la lire, j’ajoute ci-après la seconde moitié de l’article :

« J’ai toujours maintenu qu’il n’y a aucun lien entre les menaces auxquelles Israël est confronté et ses dépenses en matière de défense. Comme tous les gros systèmes, l’establishment de la défense est principalement préoccupé de sa propre survie, avec une augmentation de son influence et de son budget. Et maintenant, posons-nous la vraie question : les intérêts de l’establishment de la défense nous conduisent-ils à un gaspillage de milliards et de milliards, et aussi à bloquer toute chance d’accords diplomatiques dans la région ?

« J’ai posé ces questions au professeur Oren Barak, de l’université hébraïque de Jérusalem, qui a récemment co-publié le livre Les réseaux sécurité d’Israël avec le professeur Gabriel Sheffer (Cambridge University Press). Tous les deux prétendent que beaucoup dans la politique locale, et dans les affaires économiques et sociales, peut s’expliquer à travers l’influence démesurée du "réseau sécurité", comme ils l’appellent. Ils affirment que depuis l’implantation d’Israël, et surtout depuis la Guerre des Six-Jours, l’existence d’un réseau sécurité, informel mais puissant, s’est manifestée, un réseau composé d’agents de la sécurité (en service actif ou en retraite) et de cohortes de civils. Ce réseau touche à la culture, la politique, la société, l’économie et au débat public. Il impacte aussi les relations étrangères d’Israël. Les deux experts décrivent la faiblesse de la société civile israélienne et explique que c’est dans l’intérêt des réseaux sécurité de continuer ainsi, reléguant à la marge les considérations économiques, culturelles et civiles.

« J’ai demandé à Barak si derrière les arguments sur les territoires et le processus de paix, quelque chose comme des mensonges plus simples, à savoir un groupe d’intérêt puissant se battant pour préserver son statut, une clique de la défense qui serait parvenue à faire pencher les politiques étrangère et budgétaire dans le sens de ses intérêts.

« "Oui, c’est exactement ce que nous affirmons dans le livre" a répondu Barak. "Ce n’est pas un club au sens d’un lieu où des gens se rencontrent, mais ce sont des gens qui partagent les mêmes convictions et les mêmes valeurs, d’abord et avant tout la suprématie de la sécurité telle qu’ils la perçoivent et la représentent, avec l’armée israélienne comme principal représentant".

« Ceux qui sont impliqués dans ce réseaux peuvent certainement s’entendre pour promouvoir une politique qui sert leurs intérêts, poursuit Barak : "Le budget de la défense est un exemple frappant de la puissance et de l’influence que sont celles du réseau sécurité. Chaque année, on peut voir comment ils entravent toute tentative de réduction de ce budget, et souvent, ils agissent pour l’augmenter après son approbation officielle par la Knesset. Ceci explique l’écart important existant entre le budget voté et le budget réel".

« Il y a cinquante-deux ans, Dwight Eisenhower a mis en garde l’opinion américaine sur cela même : un club de généraux et de marchands d’armes s’emparent de la politique étrangère et de défense des États-Unis. Il a inventé l’expression, "complexe militaro-industriel", et en effet, ce club a traîné l’Amérique dans des guerres et des guerres toutes ces cinquante dernières années.

« Cette junte de la sécurité israélienne, qui a gonflé le budget de la Défense jusqu’à 70 milliards de shekels (14,6 milliards d’euros), n’est-elle pas essentiellement un complexe militaro-industriel israélien ?

« "Quand Eisenhower s’est exprimé en 1961 sur le complexe aux U.S.A., il évoquait sa formation, après la Guerre froide et l’accumulation massive d’armes aux U.S.A., qui pourrait créer une ‘puissance malvenue’… il a mis en garde le peuple américain contre ce qui pourrait arriver. Ce que nous disons concernant Israël n’est pas de la théorie, c’est la réalité : le réseau sécurité existe et pénètre un grand nombre de sphères publiques, dont la politique, la société, l’économie et la culture."

« Prenez le gaz trouvé dans les fonds marins israéliens, dit Barak. Juste après sa découverte, un processus de "sécurisation" du gaz a commencé – ce qui signifie qu’alors que c’était une question civile, elle a été qualifiée de question militaire, avec l’aide du réseau sécurité. Depuis que c’est maintenant une question militaire, il est soudain devenu important de produire le gaz, et vite, pour ne pas qu’il tombe entre des mains ennemis, et maintenant aussi pour protéger les sites offshore, qui utilisent de nouveaux bateaux coûteux. "C’est exactement la façon dont opère le réseau sécurité : cadrer un sujet en tant que sujet militaire, et l’éloigner de l’appareil civil (l’opinion, la Knesset, le gouvernement)", dit Barak.

« On prétend qu’un complexe militaro-industriel a resurgi aux États-Unis, en particulier du fait de cette guerre sans fin contre le terrorisme, note-t-il. Israël n’est pas un empire militaire comme l’Amérique, mais il exporte massivement en matière de défense et, bien sûr, il y a des régions qu’il est nécessaire de protéger à l’intérieur et au-delà de ses frontières.

« "Dans le livre, nous parlons de cas comme celui d’Israël : une petit pays confronté à une menace existentielle, réelle ou imaginaire, qui a choisi de se donner un establishment militaire important qui n’est pas séparé du secteur civil. Entre autres bons exemples, on trouve la Corée du Sud, le Taiwan, l’Afrique du Sud et Singapour" dit Barak.

« Tant les partis de gauche que de droite en Israël cadrent le débat sur la question palestinienne en tant qu’idéologique, religieuse, culturelle et historique, et ils associent l’incapacité d’arriver à une solution à l’idéologie des dirigeants, la religion, l’histoire, etc. La possibilité plus simple, la motivation des dirigeants, n’est pas sérieusement discutée en Israël ni ailleurs, dit Barak.

« Serait-ce que le processus de paix est bloqué parce que le statu quo, c’est-à-dire la guerre et la tension sans fin qui accompagnent cet interminable processus de paix, sert les élites de la sécurité, de la diplomatie et de la politique en Israël, de l’Autorité palestinienne, du monde arabe et des autres pays impliqués ?

« "Je pense que l’état de guerre perpétuelle dans notre région sert le réseau sécurité, parce qu’il crée un besoin de compétences uniques de ses membres en tant qu’expert sécurité. Je ne prétends pas nécessairement que tous les membres du réseau sont des va-t-en-guerre. Certains se sont calmés et ont reconnu l’importance d’une paix régionale… mais la plupart voient encore les choses à travers un viseur, et même quand ils sont impliqués dans un processus diplomatique, ils le considèrent principalement comme une question de défense, pas une question civile. Oslo a commencé comme une initiative civile, puis a enduré une sécurisation".

« La gauche voit la direction d’Israël comme portant la principale responsabilité de l’absence d’avancée dans les pourparlers de paix. Peut-il y avoir des éléments du côté palestinien qui veulent aussi perpétuer le processus, car dans l’éventualité de la création d’un État indépendant, ils seraient obligés d’affronter de graves problèmes sociaux ?

« "Je pense que dans les deux élites, israélienne et palestinienne, certains veulent cette situation perpétuelle de nation-attendant-de-naître, et ils en tirent profit. Un État créé signifie non seulement des problèmes sociaux graves, mais aussi des limitations et des contraintes sur la direction politique, comme des frontières claires vis-à-vis non seulement de la nation et de ses voisins, mais aussi des domaines comme la politique, l’économie, la société, l’armée et la religion. Il est beaucoup plus facile d’être un État qui n’a pas encore vu le jour se battant pour exister contre un monde hostile… Il est clair qu’un État palestinien, s’il en survient un, et c’est très douteux, sera un État fragilisé dépendant des autres, par exemple d’Israël et de l’Union européenne, ce qui n’est pas un scénario tentant pour ses dirigeants. Regardez le Sud Soudan."

(Source de l’article de Haaretz : http://www.haaretz.com/business/.pr...)

http://www.jonathan-cook.net/blog/2...

Traduction : JPP pour CCIPPP

*Qui est Jonathan Cook ? : http://www.jonathan-cook.net/about/