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La situation actuelle des Palestiniens en Syrie fendrait le cœur de tout être humain – s’il la connaissait …

Réfugiés palestiniens : le cas terrifiant de Yarmouk

Lundi, 27 janvier 2014 - 7h59 AM

lundi 27 janvier 2014

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Rana Abdulla*

Plus de 40 personnes sont déjà mortes de faim cette année dans ce "ghetto", et le bilan s’alourdit chaque jour.

De toutes les privations dans ce monde moderne, certaines sont surmontables, même très difficilement, des choses comme le manque d’électricité et de gaz pour chauffer ou cuisiner, que nous considérons comme garanties et qui ne sont pas nécessairement indispensables pour survivre. Mais chacun sera d’accord pour dire que ce qui ne peut pas être supporté c’est la privation d’eau, de nourriture et de conditions sanitaires.

Tel est pourtant le sort des Palestiniens dans le camp de réfugiés de Yarmouk.

Déshydratation, maladie et pénurie sont la réalité de chaque jour pour un peuple que le monde a oublié ou semble tellement négliger. Voir un enfant mourir de faim, n’importe quel enfant, même sans parler du vôtre, c’est une peine que personne ne devrait porter, mais c’est ce qui arrive chaque jour au camp de réfugiés de Yarmouk.

A Yarmouk, en Syrie, les gens sont obligés de consommer de l’herbe, des feuilles, des aliments pour animaux, littéralement tout ce qu’ils peuvent trouver pour étancher leur soif ou apaiser leur faim, même si cela ne convient pas à la consommation humaine.

Difficile de trouver les mot pour décrire adéquatement la détresse exacte des réfugiés palestiniens du camp de Yarmouk après plus de 180 jours d’un siège hermétique par les forces impitoyables du régime syrien.

Difficile de comprendre pourquoi le monde a tourné le dos à ces frères et sœurs qui sont contraints de vivre dans des conditions aussi macabres. En dépit du conflit, qui n’est ni la cause ni l’occasion de leur résidence, il y eu pas mal d’opportunités pour la communauté internationale d’administrer de l’aide humanitaire à Yarmouk, mais aucune n’a réussi.

Pourquoi le monde entier, même le monde arabe, traite-t-il les occupants de Yarmouk avec une telle indifférence ?

Voir ses enfants mourir de faim, c’est une peine que personne ne devrait porter, mais c’est ce qui arrive chaque jour au camp de réfugiés de Yarmouk.
La situation actuelle des Palestiniens en Syrie fendrait le cœur de tout être humain – s’il la connaissait. Si les aléas d’une zone de guerre ne suffisaient pas aux réfugiés palestiniens, la double peine de la faim et de la maladie dans le camp est une gifle au visage du monde dit civilisé. Yarmouk, de même que d’autres exemples notoires, paie indubitablement le prix le plus fort de cette guerre de Syrie.

Il y a eu un certain nombre de rapports sur des Palestiniens morts de faim dans le camp de Yarmouk, dont des enfants de quelques mois. Les images télévisées sortant de Yarmouk qui ont montré des femmes et des enfants mourant de faim, ne manquent pas d’être atroces aux yeux de gens normaux. Et pourtant le monde et en particulier le monde arabe semble non concerné par les souffrances de ces innocents Palestiniens piégés dans un conflit qui n’est pas le leur.

Les derniers compte-rendus d’activistes sur le terrain précisent qu’au moins 40 personnes sont déjà mortes de faim cette année, et le bilan s’alourdit chaque jour.

Situé au sud de Damas le camp de réfugiés de Yarmouk abritait au départ 250.000 réfugié palestiniens, dont 150.000 étaient enregistrés auprès des autorités syriennes. Mais après trois années d’une guerre civile sanglante et brutale, Yarmouk est en ruines et il n’y reste que 18.000 réfugiés.

On pense que les autres ont réussi à fuir, surtout en Jordanie et au Liban. Un rapport de la BBC affirme que les portes du camp de Yarmouk ont été fermées à tout trafic, même à l’assistance, depuis juillet, et aucune aide n’a pu parvenir aux assiégés depuis lors.

La mort de quelque 150.000 Palestiniens dans le conflit a été confirmée, de nombreux autres ont été blessés et comme si cela ne suffisait pas, la situation déjà dangereuse devrait s’aggraver et on ne peut que s’interroger sur la fin ultime des souffrances de ce peuple infortuné.

Non seulement ils sont un jour devenus des réfugiés, mais pire, avoir dû ensuite chercher refuge de ce refuge, c’est un destin terrible. Un grand nombre de réfugiés ont fui les zones proches en Syrie aux côtés de la vaste majorité déplacée en Syrie même. La migration en tant que telle est une mise en cause accablante des régions locales où prévalent les troubles, mais dans ce désastre les autres prospères nations arabes sont également coupables.

Aujourd’hui le camp de Yarmouk est au cœur de l’histoire tragique des Palestiniens ; même s’il est situé en Syrie, il reste un commentaire essentiel et éloquent de la situation palestinienne. Une des raisons en est que cette base palestinienne a été utilisée par des rebelles syriens comme un point de contact avec le monde extérieur ces 6 derniers mois. En effet, le camp de réfugiés est considéré comme quasi autonome par rapport au régime syrien, fournissant aux rebelles une base hors du contrôle du gouvernement syrien.

Derrière le conflit actuel il y a le fait que le gouvernement syrien est l’un des rares dans la région a voir procuré un refuge aux Palestiniens. A comparer avec certains autres pays arabes où les principes [d’accueil] sont très médiocres. Néanmoins même en Syrie des milliers de réfugiés sont devenus victimes des machinations politiques et de conflits sectaires comme ils s’enflamment de temps à autre dans la région. Ceci dit, le conflit actuel est certainement le pire de ceux qu’a connus le camp. En décembre 2012, le camp de Yarmouk a été investi par l’Armée Syrienne Libre lors de violents combats, après quoi le camp a été bombardé par les avions du gouvernement, tuant des dizaines de personnes et contraignant des milliers à fuir pour survivre.

Bien que les signes de danger pour les réfugiés palestiniens eussent été très évidents, il a fallu du temps avant que les responsables palestiniens ne décident de négocier un statut spécial, l’espoir pour le camp de réfugiés de Yarmouk de rester en-dehors du conflit syrien. Il y a eu accord pour que les réfugiés ne soient pas utilisés comme chair à canon dans la guerre syrienne, mais toutes les tentatives pour l’appliquer et maintenir l’accord ont échoué jusqu’à présent.

L’échec ne se limite pas à la direction palestinienne ou au gouvernement syrien uniquement, c’est la communauté internationale elle aussi qui a échoué à reconnaître la gravité de la situation : l’épisode dans son entier apparaît comme un échec honteux.

La communauté internationale peut bien pousser des cris d’orfraie devant la simple mention d’un Assad se servant d’armes chimiques, mais quand des réfugiés meurent de faim jour après jour cela semble une crise humanitaire de trop, ou trop insignifiante pour mériter une action positive. C’est une condamnation sans appel de la communauté internationale, dont l’absence de compassion empêche que la crise qui s’aggrave dans le conflit syrien ne reçoive un peu plus d’attention. L’ONU n’a même pas émis la moindre résolution concernant Yarmouk, ce qui en dit long sur le respect accordé à la vie d’un réfugié palestinien, dans le grand ordre des choses.

Pendant ce temps le gouvernement palestinien se préoccupe de nouveaux pourparlers de paix et il est très difficile de garder le moindre espoir quant à leur réussite. Les Palestiniens d’un camp de réfugiés meurent de faim et leurs problèmes ne sont même pas une priorité.

Les réfugiés palestiniens n’ont pas de représentation politique, pas de statut légal ni de soutien international, pas plus qu’une véritable direction dévouée à résoudre leurs problèmes les plus urgents. En 1948 les réfugiés palestiniens ont été dépossédés par Israël et depuis cette date ils ont souffert tout autant du fait des pays arabes. Ces pays ont également révélé leur absence d’hospitalité et d’accueil pour les réfugiés de Palestine.

Il y a déjà eu de nombreux exemples suggérant que des pays et des milices arabes ont perpétré des massacres contre le peuple palestinien. Même si beaucoup de peuples arabes ont exprimé leur solidarité avec les Palestiniens, leurs actes ont souvent suggéré le contraire. Rien n’a été fait ni politiquement ni pratiquement quand la population de Yarmouk est passée de 250.000 à 18.000 âmes recroquevillées dans la peur, affamées et tremblantes de douleur, de faim et de froid. Non seulement le monde arabe est indifférent à toute la situation, un journaliste libanais a même été assez dur que pour proférer ce que croient certains leaders - tout en s’abstenant de le dire : « toute la situation est de la responsabilité des Palestiniens eux-mêmes ».

Indépendamment de la brutale absence de réponse du monde, les graines de tout ce scénario sont bien sûr à retrouver dans la déclaration Balfour, il y a tant d’années, et la responsabilité devrait être partagée non seulement par les Israéliens et leur occupation illégale mais par la communauté internationale tout entière.

* Rana Abdulla est une auteure palestinienne-canadienne originaire du village de Balaa près deTulkarem. Elle défend les droits des réfugiés et son travail paraît dans les médias canadiens.

Source : Info-Palestine