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Poignant témoignage

Assiégés, les Palestiniens du camp de Yarmouk dépérissent

Vendredi, 17 janvier 2014 - 17h53

vendredi 17 janvier 2014

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YARMOUK

Capture d’écran d’une vidéo montrant un jeune du camp de Yarmouk qui pousse un cri de désespoir.

Depuis plusieurs mois, le camp de réfugiés palestiniens de Yarmouk, à l’entrée sud de Damas, subit le blocus des forces de Bachar al-Assad qui tentent d’étouffer les groupes de rebelles qui s’y sont installés. Pris entre deux feux et coupés du monde, les habitants manquent de tout.

Le siège du camp a commencé il y a dix mois et fait partie d’une vaste opération militaire menée par l’armée régulière pour contrôler la banlieue sud de Damas. Ces derniers mois, elle a repris plusieurs localités voisines de Yarmouk dans ce qu’elle a qualifié d’"opération anti-terroriste", resserrant encore l’étau autour du camp.

Très peu d’informations filtrent de l’intérieur de ce camp, dont les habitants n’ont plus le droit de sortir. Les réseaux de communications sont régulièrement coupés. L’Observatoire syrien des droits de l’Homme (OSDH) estime toutefois que 46 personnes y ont péri ces trois derniers mois, mais seulement 15 morts ont été confirmés par l’ONU. Ces décès seraient principalement dus au manque de nourriture mais également à la situation sanitaire catastrophique. Les enfants seraient par ailleurs nombreux à souffrir de maladies liées à la malnutrition.

Une équipe humanitaire des Nations Unies a tenté, mercredi 15 janvier, d’acheminer des rations alimentaires et des vaccins contre la polio vers le camp, mais une fusillade l’en a empêché. Le régime syrien et les rebelles armés basés à l’intérieur du camp se renvoient la responsabilité du déclenchement des violences.

Le camp de Yarmouk, créé en 1957, est le plus grand camp de réfugiés palestiniens en Syrie. Il s’étend sur une superficie de deux kilomètres carrés et abritait avant le conflit syrien, selon le UNHCR, plus de 148 000 réfugiés. Ses habitants ne sont pas exclusivement palestiniens. Des Syriens de condition modeste y vivent également.

Un jeune de Yarmouk : « Nous n’avons plus de quoi payer un kilo de riz ou de blé ! Nous n’avons rien à voir avec tout ça, nous voulons juste avoir de quoi manger et de quoi boire ! Nous voulons que le camp soit en paix ! Nous n’avons rien à voir avec qui que ce soit, je le jure ! Qu’est-ce que j’ai fait moi pour ne pas voir mon père depuis un an ? ». Vidéo postée par Sarmad Network le 14 janvier 2014.
CONTRIBUTEURS

ShamelAlJoulani

MaherAyoub

« Un kilo de riz se négocie à 36 euros à l’intérieur du camp »

Shamel est un membre du réseau Sham News Network. Le mois dernier, il a fui Hajar al-aswad, un quartier limitrophe du camp de Yarmouk. Il reste en contact avec des habitants du camp.

En novembre 2012, le camp de Yarmouk a été encerclé par l’armée régulière. Plusieurs barrages ont été placés à l’entrée du camp pour empêcher les entrées et les sorties des rebelles. Les civils qui allaient chercher des vivres à l’extérieur du camp n’avaient pas le droit de rentrer avec une ration supérieure à celle d’une seule journée. Le but était non seulement d’appauvrir les réserves des habitants mais également de les empêcher d’apporter des vivres aux rebelles.

À l’époque, ceux qui ont pu prendre la fuite vers la Jordanie ou le Liban l’ont fait [environ 100 000 habitants avaient fui en décembre 2012, NDLR]. Mais ceux qui n’en avaient pas les moyens et qui n’avaient pas de proches à l’extérieur du camp sont restés. Ils sont aujourd’hui dans une prison à ciel ouvert.

Depuis 10 mois, le siège du camp de Yarmouk est total. Rien, ni personne n’est autorisé à entrer et les habitants manquent de tout. Les images et les témoignages que l’on voit sur Internet sont envoyés par des militants qui utilisent une connexion satellitaire mise en place avant le blocus.

Les rares vivres sont vendus à des prix exorbitants au marché noir. Le kilo de riz coûte 150 livres [80 centimes d’euro, NDLR] ailleurs et se négocie à 7 000 livres [36 euros, NDLR] à l’intérieur du camp ! Ces produits arrivent par les réseaux de contrebande mis en place par des Palestiniens proches du FPLP-CG [le Front populaire de Libération de la Palestine - Commandement Général, est un groupuscule armé et financé par le pouvoir syrien. Il s’était opposé à l’arrivée des rebelles dans la camp, NDLR]. Ils s’entendent avec les soldats qui tiennent les barrages pour laisser passer les ravitaillements et ces derniers touchent une commission. C’est un commerce très juteux.

ShamelAlJoulani

« Le camp de Yarmouk est un enjeu stratégique pour couper la route aux rebelles »

Maher Ayoub est un journaliste palestinien. Ancien habitant de Yarmouk, il a fui en septembre 2012.

Le camp de Yarmouk est victime de sa position géographique. Il se situe à la porte sud de Damas, dans la banlieue la plus proche du centre de la capitale [huit kilomètres au sud du centre-ville de Damas, NDLR] et constitue, par conséquent, un enjeu stratégique pour couper la route aux rebelles.

L’armée contrôle le sud de Damas et, grâce aux opérations militaires récentes, elle est désormais implantée également au sud de Yarmouk. Autrement dit, elle encercle le camp et les quartiers alentours où se trouvent les factions rebelles qui sont donc prises en étau. Le régime ne lèvera pas le siège tant qu’il n’aura pas étouffé l’opposition armée.

Comme en Irak, les réfugiés palestiniens sont les victimes collatérales de ce conflit.

En rouge, les positions de l’armée syrienne au sud de Damas et au sud de la banlieue sud. Au milieu, le camp de Yarmouk.