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Opinion

Quelle stratégie américaine dans un monde arabe en mutation ?

Jeudi, 7 novembre 2013 - 10h29 AM

jeudi 7 novembre 2013

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Impuissants dans le conflit syrien, inefficaces dans le « dossier » israélo-palestinien, contestés par le pouvoir (transitionnel) égyptien, … les Etats-Unis semblent encore à la recherche de leur stratégie face à un monde arabe en mutation.

Le Caire est la première étape d’une tournée de 12 jours qui doit mener le Secrétaire d’Etat John Kerry en Arabie saoudite, en Israël, dans les Territoires palestiniens, en Jordanie, aux Emirats arabes unis, en Algérie et au Maroc.

Le fait que la Tunisie n’apparaisse pas dans ce circuit diplomatique peut surprendre : peut-on y voir une volonté de ne pas troubler le fragile « dialogue national » qui s’est ouvert dans le pays d’où est parti le « réveil arabe » ?

Les relations entre les Etats-Unis et le monde arabe sont traditionnellement analysés à l’aune de l’enjeu stratégique et vital de l’approvisionnement des exportations d’hydrocarbures des régions du Moyen-Orient et du Golfe. Régions où les Etats-Unis- premier consommateur d’hydrocarbures au monde- jouent une fonction de gendarme. Une emprise américaine qui s’est renforcée depuis la chute du Mur de Berlin en 1989 et la fin de la Guerre froide. Cette donne est-elle vouée à changer ?

Outre la menace, bien réelle, d’un épuisement des ressources des pays du Golfe (question d’une grande opacité), les États-Unis se sont engagés dans une politique d’indépendance énergétique. La tendance à l’augmentation de la production domestique d’énergie devrait perdurer jusqu’à 2015 et se traduire par une baisse très significative des importations. Mieux, selon le Rapport annuel 2012 de l’Agence Internationale de l’Energie (AIE), les États-Unis devraient connaître l’indépendance énergétique d’ici 2017, grâce à l’essor et l’exploitation des hydrocarbures non conventionnels, c’est-à-dire essentiellement le gaz et pétrole de schiste.

Toutefois, un désengagement par rapport au Moyen-Orient (relations privilégiées avec certains gouvernements, bases militaires, influence économique) ne semble pas (encore) à l’ordre du jour.

Les intérêts stratégiques américains signifient la défense des régimes en place dans les pétromonarchies. En témoigne l’intervention américaine en Irak en 1990-1991, dont la légitimité et la nature même sont différentes de l’invasion de 2003. Lancée après les attentats du 11 septembre 2001 et justifiée par la « guerre contre le terrorisme », l’opération « Iraqi Freedom » s’est conclue par la défaite rapide de l’armée irakienne et par la chute du régime de Saddam Hussein. Au-delà de son verni idéologique, cette opération dirigée par l’administration Bush fut une agression illégale qui a abouti à l’occupation militaire américaine d’une terre arabe, exemple unique dans l’histoire, et a provoqué une guerre civile particulièrement meurtrière. En sus de la mort de centaines de milliers d’Irakiens, les images dégradantes et humiliantes de la prison d’Abou-Ghraib ont exacerbé le sentiment anti-américain. Résultante directe de représentations culturelles biaisées, cette expédition est venue nourrir le fantasme du « choc des civilisations ».

Guidée par la pensée des néoconservateurs, la Maison Blanche était mue par la volonté d’établir par la force une « démocratie alliée » dans une région stratégique. Le renversement brutal du régime et de l’ordre politico-social a déclenché une guerre civile interconfessionnelle. Un drame politique et humain qui a profondément entaché l’image des Etats-Unis dans le monde arabe.

En 2008, l’élection de Barack Obama à la Maison Blanche devait inaugurer une nouvelle ère dans les représentations mutuelles. Tourner la page du 11 septembre en somme. Le retrait des troupes américaines d’Irak est acté et le « discours du Caire » (juin 2009) rompt avec la rhétorique des néo-conservateurs sur les « croisades » contre l’ « islamo-fascisme » en faveur d’une politique de « main tendue » en direction du monde musulman. Pourtant, au-delà des simples discours, une relation de confiance ne s’est pas véritablement nouée, notamment du fait de l’incapacité de l’administration Obama de peser sur l’allié israélien pour geler la colonisation continue des territoires palestiniens occupés.

Le leadership américain s’exerce de manière de moins en moins éclatante dans le monde arabe.

Dans le « dossier syrien », les Etats-Unis n’ont pu imposer leur solution, du moins une solution unilatérale : la voie de la négociation et du compromis (avec la Russie) s’est au contraire imposée à eux.

Le cas égyptien est également typique : non seulement la chute de l’allié Moubarak n’a pu être évitée, mais depuis la destitution de l’ancien président Morsi par un coup d’Etat militaire, Washington a décidé de geler partiellement son aide (d’un montant annuel de 1,3 milliard de dollars, sous forme d’armes et de fonds) à l’Egypte en guise de mesure de rétorsion.

En fait, les militaires au pouvoir n’hésitent plus à faire montre d’une défiance vis-à-vis des Etats-Unis. A la veille de la visite de son homologue américain John Kerry, le ministre égyptien des Affaires étrangères, Nabil Fahmy, a affirmé que l’Egypte ne doit plus se reposer sur les seuls Etats-Unis pour satisfaire ses besoins en matière de sécurité et de défense… Une nouvelle page de l’histoire des relations entre les régimes arabes et les Etats-Unis s’ouvre-t-elle ?

Source : L’Economiste maghrebin

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