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Focus géopolitique sur le Yémen (ndlr)

Yémen : le projet américain de « Grand Moyen-Orient » en action ...

Mercredi, 10 juillet 2013 -8h11 AM

mercredi 10 juillet 2013

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Par Luc Michel

"Pour comprendre la crise yéménite, retour sur une descente aux enfers" …

Lu sur le fil AFP (Paris)

CES ELECTIONS VIRTUELLES QUE L’OCCIDENT AVALISE …

L’unique candidat à la présidentielle yéménite de ce mardi, celui des USA et de l’OTAN, de ses alliés fondamentalistes arabes du Qatar et d’Arabie saoudite, le vice-président Abd Rabbo Mansour Hadi, issu de l’aile du régime yéménite proche des américains, a été élu à 99,8% des voix, a annoncé vendredi soir la commission électorale nationale à Sanaa. Selon les résultats définitifs, 6.635.192 électeurs sur les 10.243.364 ont pris part au scrutin, soit un taux de participation de 66%. Sur les votes validés, 99,8% sont allés à M. Hadi, selon la même source.

M. Hadi était le seul candidat pour succéder à Ali Abdallah Saleh dans le cadre d’un accord de transition élaboré par les monarchies du Golfe, et dont le Qatar était le maître d’œuvre.

Le nouveau président "prêtera serment devant le Parlement samedi 25 février et sera investi lundi 27 février lors d’une cérémonie au palais présidentiel au cours de laquelle Ali Abdallah Saleh lui remettra officiellement le pouvoir", a indiqué la commission électorale dans un bref communiqué. Jeudi, la commission avait indiqué qu’elle continuait de rassembler les résultats du scrutin et expliqué le retard par des difficultés logistiques et le fait que dans le Sud, le vote avait été perturbé par des autonomistes.

Une « élection », avec un candidat unique, qui est boycottée dans le Sud et non organisée dans le nord, dans la province de Saada qui a proclamé son autonomie, et dans les villes contrôlées par Al-Qaida, est évidemment une élection virtuelle. Ceci d’autant plus qu’elle est censée « amorcer un processus de réconciliation » (sic). « Dans le sud du Yémen, le mouvement séparatiste a toutefois multiplié les violences, entraînant la mort de plusieurs personnes et la fermeture de nombreux bureaux de vote. Le rôle des services de sécurité dans cette escalade n’était pas clairement établi. Dans le nord du pays, l’appel à un boycottage lancé par un groupe rebelle aurait été suivi », reconnaît le très pro occidental MONDE.

… QUAND ELLES RENTRENT DANS LES PROJETS GEOPOLITIQUES DES USA !

Mercredi, un proche de M. Saleh, le vice-ministre de l’Information Abdo Janadi, avait assuré que le président sortant, parti aux Etats-Unis pour des soins médicaux, serait de retour à Sanaa pour la cérémonie d’investiture de son successeur. L’élection de M. Hadi pour une période transitoire de deux ans fait du Yémen le premier pays arabe où un soulèvement aboutit à une solution dite « négociée ». Ce soulèvement était appuyé et organisé précisément par le Qatar, avec le soutien discret de l’Occident.

Après l’Egypte et la Libye, c’est un nouveau régime (agonisant) issu du Nationalisme arabe (de type nassérien) qui est remplacé par le système politique prôné par les USA dans le cadre de leur projet dit du « Grand Moyen-Orient » : l’association de militaires pro occidentaux (verrouillant le système) et d’un parlement sous contrôle ouvert aux islamistes radicaux. Le but étant de dissocier l’aile parlementariste des islamistes (Frères Musulmans, Salafistes, etc) de sa base radicale djihadiste (liée à Al-Qaida ou AQMI, son aile nord-africaine).

LE YEMEN : UN PAYS ECLATE ET EN GUERRE CIVILE

Cette élection virtuelle ne résout rien dans un pays profondément divisé entre Nationalistes arabes (les partisans du président sortant qui a capitulé – en échange d’une immunité et du maintien de ses partisans dans l’armée et l’appareil d’état - et de son « Congrès Général du Peuple », l’ex parti dirigeant), fondamentalistes soutenus par le Qatar et les USA (ceux du parti islamiste Al-Islah, hégémonique au sein de l’opposition), et Djihadistes d’Al-Qaida (qui contrôlent plusieurs villes et mènent une insurrection islamiste radicale puissante). « Cette étape suscite un certain optimisme chez les différents acteurs locaux et internationaux (ndla : entendez les Occidentaux). Elle met fin à six mois d’une lente désagrégation du pouvoir politique qui a fait craindre que le pays ne bascule à nouveau dans la guerre civile. Pourtant, rien n’est encore joué et la tâche qui attend Abd Rabbo Mansour Hadi est titanesque. Pendant les deux ans que durera son mandat transitoire, l’homme aura à manœuvrer habilement pour relever les nombreux défis qui s’imposent à ce pays miné par des années de guerre civile et une situation socio-économique explosive », commente LE MONDE (Paris).

Mais cela n’est pas tout, car s’y ajoute encore une rébellion islamiste, chiite cette fois (et discrètement soutenue par Téhéran). Et qui a proclamé une république autonome dans le Nord Yémen !
« L’élection présidentielle a mis en lumière l’assise des deux principaux mouvements sécessionnistes yéménites ayant appelé au boycottage. Au nord, à quelque 150 km de la capitale Sanaa, la rébellion chiite du mouvement houthi, entrée dans un cycle de violences contre l’Etat depuis 2004 » et qui « a profité de la contestation pour installer une République au nord, dans la province de Saada, qui est un quasi-Etat houthi de facto », explique Dominique Thomas (spécialiste du Yémen et des mouvements islamistes dans la péninsule arabique à l’Ecole des hautes études en sciences sociales).

Ils ont appelé au boycottage de l’élection, dénonçant "un processus de transition imparfait" et réclamant "un système fédéral et une autonomisation". Leur constitution récente en parti politique pourrait amorcer un changement. Leur force de mobilisation est grande face à la frustration de la population locale et le revivalisme religieux.

Mais la descente aux enfers du Yémen ne s’arrête pas encore là ! Car le Sud, où existait la République démocratique populaire du Yémen (1970-1990), veut aussi reprendre son autonomie. Car jadis, comme en Allemagne, existait deux Yemen, dont la RPDY ayant pour capitale ADEN, soutenue par Nasser, Etat marxiste arabe qui avait des liens étroits avec l’URSS (la disparition de l’URSS ayant été évidemment suivie de celle de la RDPY). La réunification s’étant faite définitivement par la force en 1994, avec une guerre civile sanglante imposée par Saana.

« Le Mouvement sudiste, un groupe autonomiste, a appelé au boycottage du scrutin de mardi qui doit porter le vice-président Abd Rabbo Mansour Hadi à la tête de l’Etat (…), dit l’AFP. L’aile dure du Mouvement sudiste, conduite par l’ancien vice-président yéménite Ali Salem Al-Baid, qui vit en exil, a invité ses partisans à empêcher le déroulement du scrutin, au risque de provoquer des actes de violence. Elle a appelé à "la désobéissance civile" mardi dans le Sud, Etat qui est resté indépendant jusqu’en 1990 ». « A Aden et dans les provinces environnantes, le Mouvement sudiste a adopté depuis la guerre civile de 1994 une forme d’action non violente pour promouvoir son projet fédéraliste. Très divisé entre mouvances idéologiques, il est entré dernièrement dans une phase active, bénéficiant d’un soutien populaire qu’alimente un véritable malaise social », commente LE MONDE. « Le Mouvement sudiste est aujourd’hui à la croisée des chemins et pourrait s’orienter vers un militantisme plus actif et militarisé, comme le montrent les attaques contre les bureaux de vote », explique M. Thomas.

AL-QAIDA A AUSSI CHOISI LE YEMEN COMME BASE DJIHADISTE

Cerise sur un gâteau yéménite pourri, le sud est aussi un des bastions de la Guerilla d’Al-Qaida, qui au Yemen n’en est plus au stade du terrorisme mais à celui d’une insurrection sur le modèle afghan. « Les djihadistes sont les derniers arrivés sur la scène yéménite en 2009. Après la restructuration des branches saoudienne et yéménite d’Al-Qaida dans la péninsule arabique et profitant de la déliquescence de l’Etat, ils sont entrés dans une phase active de contrôle du territoire », note Dominique Thomas. « Fort de quelques milliers de combattants, ils ont pris le contrôle d’une demi-douzaine de villes et considérablement augmenté leur capacité de mobilisation dans le sud et l’est du pays et au nord de Sanaa. Leur bras social, les Ansar Al-Charia, imposent dans ces villes la loi islamique », commente LE MONDE.

L’Etat yéménite est incapable de reprendre le contrôle de ces zones, y compris en se servant des milices des tribus. « Il est possible que la solution militaire ne soit pas adaptée, estime M. Thomas, alors que le dialogue entamé par certaines tribus avec Ansar Al-Charia pour libérer la ville de Radah par exemple s’est avéré payant. L’Etat pourrait ainsi négocier la libération des villes et le retour des populations déplacées contre la libération des combattants djihadistes, une gestion partagée des affaires civiles et une application plus stricte de la Charia ».

LE NOUVEAU PRESIDENT YEMENITE : L’HOMME DES AMERICAINS

L’actuel vice-président du Yémen, Abd Rabbo Mansour Hadi, qui accédera demain à la présidence, est un militaire de carrière sans base populaire ou tribale, et dépendant totalement de ses soutiens extérieurs américain et qatari, mais qui a su se révéler comme un homme de consensus. Agé de 57 ans, discret, il s’est imposé durant les quatre mois d’absence du président Ali Abdallah Saleh, grièvement blessé lors d’un attentat en juin dans la guerre civile rampante qui frappe le Yémen. Il a notamment peaufiné son image d’homme jouissant du respect de l’ensemble des acteurs politiques, opposition comprise.

L’homme est en effet « tenu » par un passé marxiste qu’il a du faire oublier. Au sein de l’armée, il a su gravir les échelons sous la République démocratique populaire du Yémen (1970-1990), seul Etat marxiste arabe qui avait des liens étroits avec l’URSS. Nommé ministre de la Défense en 1994 après la réunification, il secondera ensuite sans état d’âmes le président Saleh aujourd’hui démissionnaire.

« Son image trône déjà dans toutes les rues du Yémen depuis le 15 février. Jour où l’ancien président Ali Abdallah Saleh a demandé d’enlever ses portraits et de mettre à la place ceux du vice-président Abd Rabbo Mansour Hadi, unique candidat à l’élection présidentielle anticipée du 21 février. Une élection-plébiscite à laquelle les Yéménites ont participé en nombre, mardi. Le processus est toutefois conforme à l’accord de sortie de crise proposé par les pays du Golfe et signé par toutes les parties impliquées dans le soulèvement. Après le départ de l’ancien président Saleh, l’arrivée au pouvoir de M. Hadi constitue une nouvelle étape du processus de transition politique », commente LE MONDE (Paris).

Précisons que le terme « processus de transition » est une notion complexe qui envisage la transformation des régimes socialistes en « démocratie de marché » occidentales. Au départ dans l’Est européen post-soviétique, aujourd’hui, où le terme est remis à l’ordre du jour, au Proche-Orient.

Selon l’envoyé du président américain Obama, John Brennan, qui l’a rencontré ce samedi, Mansour Hadi s’est engagé à poursuivre la lutte contre Al-Qaeda et à « détruire » le réseau extrémiste…

LM

http://www.lucmichel.net/2013/07/07/luc-michel-focus-geopolitique-yemen-le-projet-americain-du-grand-moyen-orient-en-action/