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Lettre ouverte de Serge Grossvak* au Président de la République

Jeudi, 13 juin 2013 - 8h51 AM

jeudi 13 juin 2013

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Palais de l’Elysée

Ah monsieur le Président, que vous êtes oublieux !

Je devine comme votre charge est lourde, que vous avez tout à penser. Alors oublier un mot, le mot de Palestine, c’est si peu, si petit petit peu.

Dimanche 2 juin, vous vous êtes rendu devant le « Congrès des Communautés Juives » et vous y avez prononcé un magnifique discours. Tout y était. Vous avez cité les valeurs fondamentales, humaines, qui vous animent. Vous avez montré votre grand souci pour 5 pays. Mais dans votre précipitation, ou votre émotion, vous en avez oublié un. Un seul et tout manque. Vous avez oublié la Palestine.

(http://www.dailymotion.com/video/x10h7nx_allocution-au-2eme-congres-des-communautes-juives-de-france_news#.Uauk85y1N9o)

Ce n’est qu’un tout petit oubli puisque concernant un tout petit pays, mais que les conséquences sont énormes ! Monsieur le Président de mon pays, vous ne pouvez en demeurer là sans répercussions. Il y a urgence à rattraper cette bourde. Pardonnez-moi de vous parler ainsi mais mon devoir de citoyenneté et de respect des valeurs que vous avez affichées m’obligent à cette franchise.

Monsieur le Président, je sais que vous êtes « de gauche » et que vous éprouvez un sentiment identique à l’égard des autres religions, également à l’égard de l’Islam. Mais tout de même, Monsieur le Président, je me sentirais plus léger le jour où vous vous rendrez à la conférence des religieux musulmans et que vous leur exprimerez pareils respects et sympathies, surtout pareille confiance en leurs valeurs. Parce qu’à vous entendre ainsi, si cela devait être uniquement en ce lieu, on pourrait croire à votre soumission. Quel désastre ! Quel fiel ce serait sur nous, juifs, par une telle image antisémite de surpuissance. Quel désastre ce serait pour la paix que de donner à voir la France soumise incapable d’aller au bout de ses exigences du droit et de respect de l’humain.

Monsieur le Président, vous évoquez dans votre discours, avec conviction, que « la vie peut l’emporter sur la haine ». S’il est une leçon que je tire du vécu de mes parents et grand parents, de leur venue en France pleins d’espoir, c’est que cette vie fraternelle demande un engagement et une vigilance de tout instant. Oublier le sort qui est fait aux palestiniens en un tel lieu et devant l’ambassadeur d’Israël pourrait relever de la complicité d’oppression, de négation d’un pays dont la France avait exigé la reconnaissance. De tels actes ne peuvent être que des ferments de haine. S’ils demeuraient sans rectification.

Evidement ce ne peut être ni votre conviction, ni votre objectif. Vous êtes de gauche, alors c’est un oubli, un malheureux oubli. Imaginez, Monsieur le Président, si vous deviez être associé aux pires propagandes de notre extrême droite du camp du Likoud de Netanyaou, à la manipulation de la douleur et de la peur, au combat contre l’antisémitisme distingué de tous les combats contre les racismes et l’islamophobie, un consentement au nettoyage ethnique et à l’expansion territoriale israélienne… Ah, imaginez, Monsieur le Président comme vous en sortiriez petit, petit, tellement petit à tourner le dos aux valeurs de justice et de respect partagé.

Citoyen Serge Grossvak*

* Extrait d’une déclaration de Serge Grossvak : Echo de Résistance 1 - 24 novembre 2011 :

"Des hommes, des femmes, des enfants sont massacrés et il faudrait se taire ! Des populations sont parquées dans des ghettos, et il faudrait se taire ! Des paysans sont privés de leurs terres, de leur eau, et il faudrait se taire ! JAMAIS !
Nos paroles sont des paroles de solidarité et de refus de l’injustice. Ce sont des mots qui dénoncent et s’indignent d’actes politiques commis par un gouvernement extrémiste, fascisant. Nous sommes l’engagement pour les valeurs humaines. Ceux qui nous menacent devant les tribunaux ne sont que d’ignobles individus, méprisant à l’égard d’un peuple, complices d’une politique guerrière ne cherchant qu’à soumettre. Ce sont d’infâmes totalitaires voulant bâillonner ceux qui les dénoncent.
Comment accepter cela ? Comment tolérer de se soumettre ?
Tout dans ce que je suis, dans mon être, se refuse à cette soumission.
Je suis juif. Ma mère, mon père sont juifs. C’est une histoire longue, profonde, faite d’immigration, de persécutions redoutées et fuies, de frontières franchies sans bien connaître les usages et les langues. C’est cette peur maintes fois exprimée de retrouver l’état de paria et de population exutoire pour les périodes de crises. Tant de siècles de cet état ont marqué en profondeur les consciences et ont nourri le sentiment que jamais, jamais, la sérénité n’est assurée. Jamais.
Mais pour moi, pour ma famille, être juif ce n’est pas seulement cela. Pas uniquement cette crainte devenue aveuglante. Je suis de cette culture juive de la dignité et de la résistance. Du combat partagé pour la justice et la fraternité. Des leçons de l’oppression pour refuser partout, à l’égard de quiconque, ce qui porte atteinte à la dignité humaine. Je suis enfant de Raymond Aubrac, de Marek Edelman, de Joseph Epstein.
Parce que je suis juif de cette dignité, je résisterai."
Serge Grossvak