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Nouvelle confirmation afin que nul ne puisse dire qu’il ignorait (ndlr)

Israël veut déraciner les Bédouins

Jeudi, 30 mai 2013 - 8h06 AM

jeudi 30 mai 2013

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LIBRE BELGIQUE

Renée-Anne Gutter, Correspondante à Jérusalem

La loi, si elle est votée, organisera le plus grand déplacement forcé de population dans le pays.

A la colère de la minorité arabe et des défenseurs israéliens des droits de l’homme, la Knesset compte entamer, ce lundi, la procédure d’adoption d’un projet de loi du gouvernement Netanyahou controversé : il prévoit le déracinement de 30 000 à 40 000 Bédouins dans le Néguev, le désert du sud d’Israël, et la démolition d’une trentaine de leurs villages. Ce sera le plus grand déplacement forcé de population à l’intérieur du pays. Et sans attendre que la loi soit votée, les bulldozers ont déjà commencé la semaine dernière à démolir des habitations concernées, laissant plusieurs familles sans toit.

David Ben Gourion, père-fondateur de l’Etat juif, avait toujours rêvé de « faire fleurir le Néguev » , ce désert qui, avec ses 13 000 km², recouvre plus de la moitié du pays. Pourtant, jusqu’à ce jour, seuls 9 % des Israéliens y vivent. Un quart d’entre eux sont des Bédouins. A la différence, toutefois, que ceux-ci y ont toujours été présents. Encore avant que l’Etat d’Israël ne voie le jour en 1948 et n’englobe le Néguev dans ses frontières.

Aujourd’hui, quelque 200 000 Bédouins vivent sur 5 % du Néguev. Et bien qu’en principe, l’Etat les considère comme des citoyens égaux, les autorités gouvernementales les ont discriminés et négligés au fil des décennies. En particulier, comme soulignent les ONG israéliennes, dans les domaines de la propriété foncière et du développement de l’habitat. Entre autres, parce qu’Israël refuse de reconnaitre bon nombre de leurs titres de propriété qui remontent à la période ottomane et à l’ancien mandat britannique sur la région. Résultat : logements inadéquats, manque de services de santé, de cadres d’éducation, d’emplois. Tout cela fait d’eux aujourd’hui la population la plus démunie et vulnérable d’Israël.

Selon les chiffres de l’ONG « Bimkom » (architectes et urbanistes pour les droits à l’habitat), plus de 100 000 d’entre eux sont sédentarisés dans sept localités construites à leur intention par les autorités israéliennes entre 1960 et 1980. Mais quelque 90 000 vivent dans quarante-six villages désorganisés, dont trente-cinq ne sont pas reconnus par l’Etat israélien et manquent donc des infrastructures les plus élémentaires, tels l’eau et l’électricité.

Un plan d’expansion juif

Préparé depuis la fin de 2011 et adopté par le gouvernement le 6 mai dernier, le projet de loi vise à réglementer l’habitat bédouin une fois pour toutes. D’une part en éliminant la plupart des villages non reconnus et regroupant leurs occupants ailleurs dans la région, d’autre part en régularisant une partie des titres de propriété locaux. Objectif officiel : améliorer la condition socio-économique de cette population et lui offrir « les mêmes possibilités de croissance dont disposent les autres citoyens d’Israël » . Le projet s’inscrit notamment dans un plan de développement global du Néguev, destiné à y accroître la population juive.

Mais dans la pratique, selon l’analyse de Bimkom, ACRI (l’Association pour les droits civiques en Israël) et Adalah (le Centre d’aide juridique pour les minorités arabes en Israël), le projet ne fera que déposséder les Bédouins de leurs droits historiques. Il délogera des dizaines de milliers d’entre eux de 90 % de leurs terres ancestrales et concentrera cette population dans des aires urbanisées strictement délimitées, détruisant son tissu social et la condamnant au chômage et à la pauvreté. Et cela, alors que, parallèlement, Israël prépare un plan d’expansion dans la même région, avec le développement de bases militaires et localités juives, là même où des villages bédouins auront été rasés.

Les ONG appellent donc le gouvernement à dialoguer avec les Bédouins, « en reconnaissant leur affinité historique avec les terres du Néguev » , à légaliser leurs villages existants et à investir dans la planification de ceux-ci en respectant leur caractère agraire et leurs coutumes familiales.

Les députés arabes de la Knesset ont alerté les chancelleries étrangères contre le projet gouvernemental. Le Parlement européen, Amnesty International et le Comité onusien pour l’élimination de la discrimination raciale l’ont déjà condamné dans le passé.