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Paix et Justice au Moyen-Orient - Analyse N°9

Quossaire sera-t-il le Diên Biên Phu de l’insurrection syrienne ?

Vendredi, 24 mai 2013 - 9h11 AM

vendredi 24 mai 2013

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Les enjeux de la bataille de Quossaire, ville frontalière syro-libanaise, occupée par des milliers d’opposants armés aguerris, sont éminemment stratégiques. La victoire de l’armée syrienne dans cette ville aurait pour première conséquence de sonner le glas de l’insurrection, et par ricochet, celui de ses soutiens occidentaux et régionaux qui ont misé sur elle pour « casser les liens entre l’Iran, le Hezbollah et la Syrie » dixit Mme Clinton, l’ancienne secrétaire d’Etat américaine. (1)

La conquête de cette ville stratégique sera-t-elle le Diên Biên Phu des « insurgés » ? Suivie par d’autres conquêtes qui, in fine, propulserait l’Iran vers l’avant de la scène politique du Moyen-Orient, le consacrant dans son rôle de « puissance régionale » ?

En cas de victoire de l’insurrection, par contre, la bataille de Syrie favorable à l’opposition, mettrait le pouvoir syrien et ses soutiens en difficulté et permettrait aux Etats-Unis d’agir en position de force à l’encontre des Russes.

Opposée à l’occupation de l’Irak en 2003, l’Union européenne s’est ralliée aux Etats-Unis en Syrie -l’avant dernier maillon de la chaîne de domination planétaire des Etats-Unis - œuvrant ensemble pour l’instauration de la pax americana dans ce pays.

Les propos de Laurent Fabius, ministre français des affaires étrangère, éclairent les enjeux stratégiques de la bataille de Syrie : « Le chaudron syrien constitue, avec le nucléaire iranien-et d’ailleurs les deux sont liés-, la plus grande menace actuelle contre la paix »(2) Il s’agit, bien sûr, de la pax americana ! Pour Laurent Fabius, l’engagement des Iraniens aux côtés du régime syrien est « considérable. Il existe d’ailleurs une certaine relation entre la question du nucléaire iranien et les affrontements en Syrie. Si la communauté internationale n’est pas capable d’arrêter un mouvement dans lequel les hommes d’Assad sont soutenus puissamment par les Iraniens, quelle sera notre crédibilité pour assurer que l’Iran ne se dotera pas de l’arme nucléaire ? » (2) Le « nucléaire iranien » sert de paravent à des questions d’ordre géopolitique.

La bataille de Syrie est le prolongement de l’affrontement Israël-Hezbollah au Sud Liban en 2006. La défaite de l’insurrection syrienne rendra impossible l’attaque directe ou indirecte de l’Occident contre l’Iran.

Les « insurgés » syriens, djihadistes venus d’Arabie saoudite, d’Egypte, de Libye, de Tunisie, de Turquie, soutenus militairement et financièrement par les Etats-Unis, la Grande Bretagne, la France, l’Allemagne, l’Arabie saoudite (siège du Conseil national syrien), le Qatar, la Turquie, Israël et la Jordanie, composent l’opposition qui affronte l’armée syrienne, soutenue de son côté, par le Hezbollah libanais, les conseillers iraniens et russes. C’est une vraie mini « guerre mondiale » qui ne dit pas son nom.

Faut-il rappeler qu’aucun des participants à la guerre en Syrie ne mérite la palme des droits démocratiques et humains, bien au contraire !

Tout porte à croire que la rencontre entre John Kerry, secrétaire d’état américain et son homologue russe, Sergueï Lavrov, les 7 et 8 mai, a tourné en faveur des positions russes. Mais une entente ne signifie pas la fin des combats. Les adversaires se battront jusqu’à la dernière cartouche afin d’arracher une dernière concession et participer en position de force à la conférence de fin mai, qui devra décider de la victoire des uns ou des autres. Voilà qui explique la férocité des combats à Quossaire.

La livraison d’armes sophistiquée au pouvoir syrien (missiles sol-air S-300 ; missiles sol-mer) devrait afficher une fois de plus la détermination des Russes, et mettre en garde Israël et l’Occident contre une éventuelle aventure militaire irréfléchie en Syrie.
Le tir de quelques missiles Nord Coréens rappellera également aux Etats-Unis que ses bases militaires, les voies de navigation en Asie du Sud-est ainsi que les territoires japonais et Sud- Coréens sont à portée des missiles Nord-Coréens équipés de têtes nucléaires. L’équilibre de la terreur fonctionne encore et toujours.

Il est vrai que « le conflit syrien consacre le repli américain » (3). Les guerres incessantes aux quatre coins du monde et l’entretien de centaines de bases militaires, d’une armada de navires de guerre, de sous-marins nucléaires et de porte-avions ont amoindri la volonté de puissance américaine, endettée et démoralisée. « Nous ne pouvons pas être en position de force dans le monde si nous ne sommes pas en position de force chez nous » affirme le titre du dernier livre de Richard Haass, un va-t-en-guerre, ancien adjoint de Colin Powell au département d’Etat de Georges Bush. (3)

D’aucuns pensent que l’importance économique prise par la Chine dans l’Océan Pacifique conduit les Etats-Unis à se « désengager » du Moyen-Orient. C’est oublier que cette région se trouve sur la voie de navigation entre le détroit de Malacca et Gibraltar, par où passent, chaque année plus de 50 000 navires de marchandise et pétroliers. Malgré l’importance prise par l’Océan indien, les voies de navigation traversant le Moyen-Orient représentent plus des deux tiers du commerce mondial. Les Etats-Unis ne se désengagent pas du Moyen-Orient. Mais ils n’ont plus les moyens d’intervenir comme avant.

Le vrai perdant de la bataille de Syrie est le peuple syrien martyrisé, dont la révolution a été confisquée par les puissances étrangères, qui ont fait de ce pays le champs-clos de leurs règlements de comptes. Des milliers de morts, des destructions massives et des centaines de milliers de réfugiés n’ont pas eu raison d’un régime dictatorial qui su tirer profit des contradictions des puissances mondiales et régionales.

(1) AFP, Reuter- Le Monde du 14 août 2012.

STRASBOURG, le 24 mai 2013

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