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Communiqué de Nicole Kill-Nielsen, parlementaire européenne

Des élus européens expulsés par les autorités marocaines

Vendredi, 8 mars 2013 - 17h22

vendredi 8 mars 2013

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Ce mercredi 6 mars, une délégation de l’intergroupe Sahara occidental du Parlement européen composée de quatre députés européens a été empêchée de se rendre sur le territoire marocain.

Ces élus européens, Ivo Vajgl (Libéraux, Slovenie), Vicent Ramón Garcés (Socialistes, Espagne), Isabella Lövin (Verts/Ale, Suède) et Willy Meyer (Gauche Unitaire, Espagne) appartenant à des groupes politiques et des nationalités différentes ont tenté d’effectuer une mission d’observation à Laâyoune, au Sahara occidental, portant sur les droits humains dans les territoires occupés. Ils avaient notamment prévu des rencontres avec les autorités marocaines, les représentants de la société civile marocaine et les représentants de la mission de l’ONU - Minurso.

Les eurodéputés avaient bien évidemment informé les autorités marocaines par écrit en donnant les détails sur leur déplacement et programme de mission.

Fait étrange, le 6 mars - jour de leur voyage annoncé, les bureaux de ces eurodéputés ont reçu une lettre de l’ambassadeur du Maroc auprès de l’Union européenne qui leur annonçait qu’ils n’étaient pas bienvenus au Maroc. Ils étaient attendus par les policiers marocains à la descente de l’avion à Casablanca. Les élus européens ont été forcés de reprendre les mêmes avions et de retourner à Paris et à Madrid. Autre mauvaise surprise, les polices française et espagnole les ont attendus et escortés comme s’il s’agissait de criminels. Leur explication : "quand une personne est expulsée vers l’Europe, la police du pays vers lequel elle est expulsée doit aussi l’accueillir".

Ceci est tout simplement scandaleux : le Maroc, partenaire et voisin privilégié de l’Union européenne expulse les élus européens sans aucun droit et justification (il faut savoir que les policiers marocains n’ont présenté aucun document ou ordre officiel aux élus arrêtés à l’aéroport de Casablanca). Il les traite comme des criminels et l’ambassadeur marocain les insulte dans sa lettre officielle (voir le document en pièce jointe) en les qualifiants de "groupe de lobbyistes pro-algériens/pro-Polisario" et "anti-marocains".

Pour Nicole Kiil-Nielsen, membre de l’intergroupe Sahara Occidental et de la Sous-commission Droits humains du PE, il est absolument inacceptable de qualifier des eurodéputés démocratiquement élus de lobbyistes et de les classer dans les catégories d’anti-marocains ou de pro-algériens.

Ce geste du gouvernement marocain survient au moment où le procès des détenus de Gdem Izik a dominé l’actualité internationale et où le rapporteur spécial de l’ONU sur la torture vient de présenter un rapport accablant sur le Maroc au Conseil des droits humains onusien à Genève (voir le rapport (EN) et la note de résumé rédigée en FR en pièce jointe).

Nicole Kiil-Nielsen se joint à ses nombreux collègues parlementaires (voir le CP de Daniel Cohn-bendit et d’Isabella Lövin en pièce jointe) qui demandent une réaction adéquate de la Haute Représentante de l’Union pour les affaires étrangères Catherine Ashton, du Président du Parlement européen Martin Schulz, de la Commission européenne M. Barroso et des gouvernements européens.

Pièces annexes : 3

1)Lettre de l’Ambassadeur du Maroc auprès de l’Union européenne

Mission du Royaume du Maroc auprès de l’Union Européenne
Bruxelles

Honorable MEP,

I took good note of the content of your letter dated 25thFebruary 2013 regarding your interest to visit the southern provinces of the Kingdom Morocco.

I would like, hereby, to draw your kind attention to the following :

There exists a formal EU-Moroccan structure : “The Joint Parliamentary Commission” which deals with a variety of issues relating to all the EU-Morocco partnership agenda. This Committee is the appropriate framework for the consideration of the different issues related the morocco-EU relations. The Moroccan side has always been open to discuss all the issue within this Committee ;

2- The delegation which is proposed to visit the Moroccan Saharan territory is composed of members who are mostly active in the pro-Algéria/polisario lobbyist group. Their positions have been always one-sided and unbalanced. They can not be trusted to undertake a non-politically motivated visit nor to present a balanced assessment of the situation ;
3- These EP members, contrary to their colleagues at the European institution, hold excessive politicized views against the interests of Morocco. In other words, their objective is to hinder the advanced partnership between Morocco and the European Union and to torpedo the active support of the EU for the process of reforms undertaken by the Kingdom, as a key partner in the Southern Neighbourhood, particularly in terms of human rights. The distortion of facts and instrumentalisation of the human dimension of the Sahara conflict is part of the other parties misleading strategies and campaigns.
4- Unfortunately, these MEPs have never voiced nor denunciated the human rights violations in the Tindouf camps, in Algerian Territory. Their conscience never questioned or reacted to the general situation of the population there.
5- The situation of persons who are in the camps is totally unique and atypical. There is no exact figure regarding the actual number of people in these camps. No census of the populations has been allowed by Algeria, in violation of the UN Security Council Resolutions 1979 and 2044 concerning the registration and the census of the population in the Tindouf camps. This situation provides a propitious environment for the continuation of the embezzlement of humanitarian aid, as proven in reports elaborated by the European Commission’s OLAF, and UNHCR’s PAM in May 2005. The lack of a clear legal framework governing the status of the populations in Tindouf is exceptional and unique in terms of international refugee law. The populations in Tindouf camps are deprived of their fundamental rights.

6- The deteriorating social and political conditions represent a time-bomb in the Tindouf camps. The camps which are populated by thousands of idle and frustrated fighters and networks of organized crime traffickers constitute naturally an appealing target for AQIM’s smuggling, military and terrorist wings. Several reports have warned of the slide of growing numbers of disenchanted people of the camps toward organized crime and terrorism. This development carries enormous risks to the stability not only to the Sahel and Maghreb but also to Europe.

Consequently, I would like to underline that Morocco does not expect that such a parliamentary visit, in the actual circumstances and its timing and composition, could provide an objective, credible report, that would bring an added value to the discussions within the European Union regarding the Sahara issue, which, I believe, would be considered in all its political, economic, human and social aspects.

Therefore, this visit is not welcomed as it will rather serve some already known and politically motivated agenda, and constitutes an additional act of provocation.

As you know, Morocco does have and continue to foster good relations with the European Parliament and the MEPS in general and will continue to be available to work with this venerable institution within the existing official legislative framework.By the same token, Morocco appreciates the existing excellent relations with the rest of the EU institutions as well. Fortunately, the fundamentals of these relations are solid and deeply rooted a fact that is clearly shown by the recent visit of Mr. Barroso to Morocco. This visit is a token of confidence, respect and trust vis-à-vis a stable country with well anchored democratic structures, existing in a highly tumultuous region.

Please accept Honorable MEP, the assurances of my consideration.

Brussels, 5th March, 2013

Menouar Alem
Ambassador,
Chief of the Moroccan Mission to E.U

2) Commuuniqué de presse du groupe parlementaire :
Les Verts/ALE Bruxelles, le 7 mars 2013

UE-Maroc

Les autorités marocaines refoulent des eurodéputés dans le cadre d’une mission d’observation

Ce mercredi 6 mars, une délégation de quatre députés européens, y compris une eurodéputée du Groupe des Verts/ALE Mme Isabella Lövin, a été empêchée de se rendre sur le territoire marocain. Les députés comptaient se rendre à Laâyoune, au Sahara occidental, pour une mission d’observation plus particulièrement sur la situation des droits de l’Homme dans la région. Ils ont hélas été refoulés par les autorités marocaines au moment de leur débarquement à Casablanca.

Isabella Lövin a estimé que : "Le régime marocain a apparemment quelque chose à cacher, car ils veulent nous empêcher de rencontrer des Sahraouis. Ce voyage a été annoncé bien à l’avance, mais nous n’avons reçu une lettre indiquant que nous n’étions pas les bienvenus qu’après notre départ. Nous avions prévu des réunions avec tous les intervenants de la région, y compris des représentants des droits de l’Homme et des délégués de la mission de l’ONU au Sahara occidental. Nous avions également demandé une réunion avec les autorités marocaines afin d’avoir un programme équilibré. "

Daniel Cohn-Bendit, co-président du Groupe des Verts/ALE, a déclaré : "La décision du gouvernement marocain de renvoyer quatre députés, y compris notre collègue suédoise Mme Isabella Lövin, est totalement inacceptable. Les quatre députés ont cherché à obtenir des informations de première main sur la situation sur le terrain. L’épineuse question du Sahara occidental ne peut être résolue qu’à travers un débat ouvert avec un accès directs aux faits. Refuser l’entrée de membres élus du Parlement européen est d’une part une insulte à l’adresse du Parlement, et jette d’autre part une ombre sur les pourparlers d’un accord commercial UE-Maroc engagés il y a de cela moins d’une semaine lorsque la Commissaires Mme Malmström et le Président de la Commission européenne, M.M. Barroso se sont rendus au Maroc".

3) Rapport du rapporteur spécial sur la torture et les autres traitements cruels, inhumains et dégradants (publié le 28.02.2013)

Les faits observés :
Mauvais traitements
Le rapporteur (Juan E. Mendez) témoigne de la persistance de traitements cruels dans les affaires criminelles ordinaires. En particulier, on observe de manière systématique des cas de tortures et de mauvais traitements au moment des arrestations ou détentions dans les affaires sensibles (menaces à l’ordre national, terrorisme, manifestations).
Dans les cas de terrorisme ou menace à l’ordre national, les suspects ne sont généralement pas officiellement enregistrés, ils sont retenus plusieurs semaines, sans être déférés devant un juge et sans assistance juridique. En outre, l’"anti-terrorism act" de 2003 étend la durée de garde à vue pour les cas de terrorisme à 96 heures, renouvelable 3 fois. Tous ces facteurs augmentent le risque de torture.
Dans les cas de manifestations, le rapporteur note un usage excessif de la force et décrit des cas de violences, de comportements dégradants voire de torture au cours des arrestations et des transferts de suspects.
Concernant les migrants, les réfugiés et les demandeurs d’asile, le rapporteur affirme que lui ont été rapportés des violences physiques et sexuelles systématiques contre des migrants sub-sahariens qui tentaient de rejoindre l’Europe par le Nord Maroc. Le rapporteur souligne, enfin, que des centaines de migrants auraient été abandonnées sans assistance dans le "no man’s land", généralement près d’Oujda.
Absence de poursuites
Le rapporteur souligne l’absence d’enquêtes promptes et détaillées sur les responsables de tortures, mauvais traitements et persécutions ainsi que l’absence de réponse et de réparation aux victimes.
En reportant l’enregistrement de l’arrestation, les autorités marocaines reportent la possibilité pour les suspects, non seulement de recevoir une assistance juridique, mais également de prévenir leurs proches comme le prévoit la loi.
Lorsque des victimes de mauvais traitements veulent obtenir réparation, les juges mettent en cause leur crédibilité et les accusent de ne pas s’être manifestés assez tôt. Ainsi, au court de la période 2009 - 2012, il semble que personne n’ait été poursuivi pour ce motif (i.e. en vertu de l’article 231-1).
Conditions de détentions alarmantes
Enfin, le rapporteur souligne que les conditions de détention dans la plupart des prisons demeurent alarmantes en raison de la surpopulation, des mauvais traitements et des sanctions disciplinaires abusives.
Le système judiciaire marocain repose sur les aveux comme preuve principale. Or la plupart des aveux sont obtenu sous la torture. De nombreux cas de viols, violences physiques et isolements de plusieurs semaines ont été recensés.
Les progrès reconnus à l’échelon national :
Le rapporteur remarque néanmoins, l’émergence d’une culture des droits de l’Homme et une volonté politique au sein de différentes autorités, dont le Ministère des affaires étrangères, de créer une culture institutionnelle interdisant et prévenant les tortures et les mauvais traitements.
La rapporteur accueil favorablement :
- l’adoption d’une nouvelle constitution en juillet 2011 qui marque un pas important vers le renforcement des droits de l’Homme
- l’adoption du plan stratégique 2012-2016
- la création d’un Conseil national des droits de l’Homme ainsi que de systèmes de surveillance des violations des droits de l’Homme y compris dans le Sahara Occidental
- le travail de la commission Equité et Réconciliation.
Les recommandations :
Le rapporteur spécial appelle la communauté internationale à "soutenir le Maroc dans sa lutte contre la torture et les mauvais traitements en lui apportant un soutien technique et financier" afin de mettre en oeuvre les recommandations ci dessous :
- s’assurer qu’aucun responsable de torture ne soit amnistié
- mettre en place un mécanisme de protection pour les individus refusant d’obéir à un ordre de torture
- amender l’"anti-terrorism act" pour réduire la durée de garde à vue
- appliquer strictement l’obligation d’enregistrement des personnes appréhendées et détenues
- en finir avec les détentions secrètes
- fournir au Ministère de l’intérieur tous les supports logistiques et financiers pour permettre l’enregistrement vidéo de tous les aveux, créer des centres d’appels téléphoniques pour recueillir les plaintes pour torture, créer des commissions régionales pour améliorer les conditions de détention etc.
- accélérer la ratification du Protocol optionnel de la convention contre la torture
- laisser la possibilité à la société civile (notamment le "united nations voluntary fund for victims of torture") de recevoir des fonds de manière directe
Spécifiquement pour le Sahara occidental :
- enquêter rapidement sur toutes les accusations de tortures et mauvais traitements pendant et après des manifestations
- remettre en cause l’autorité juridique de la court militaire dans les cas impliquant des civiles
- renforcer le respect des droits de l’Homme (par un plus grand engagement de l’ONU et de la communauté internationale) et faciliter la présence sur place d’ONG
- surveiller le respect des droits de l’Homme en créant un système régional interinstitutionnel de contrôle
- soutenir le Maroc dans sa réforme de la législation nationale afin d’établir un cadre de prévention de la torture et des mauvais traitements et d’offrir au personnel de police et des prisons, une formation appropriée