De la Monnaie Solidaire à la Radicalisation de la Démocratie

Les leçons de la crise en Argentine
jeudi 1er mai 2014
par  Webmestre
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Synthèse des travaux de l’atelier sur les Monnaies Locales animé par Heloisa Primavera durant le Colloque « Monnaies et Solidarité » (17 nov 2005) organisé par la Maison de la Citoyenneté Mondiale à Mulhouse.

En Argentine, les systèmes d’échanges locaux et les monnaies locales, franches, solidaires, citoyennes, de quartier, ont résolu de façon parfois très efficace le problème de tous ceux qui avaient tout perdu - argent et travail - suite à la défaillance des banques à l’échelle de tout un pays. Les Creditos, monnaies franches, en sont venues à cohabiter avec la monnaie officielle. Une surchauffe survenue en 2002 a freîné les Creditos. Mais ils se développent à nouveau, et cela à partir de quartiers et de localités où des assemblées citoyennes veillent à faire le nécessaire pour maintenir la confiance dans leur monnaie locale. Cette expérience d’économie franche, citoyenne, imbriquée de multiples manières dans l’économie « officielle » a été très riche d’enseignements sur le plan de la « démocratie radicale », et ces enseignements sont... partageables.

1ère leçon. Les monnaies solidaires sont des monnaies d’échange

La première leçon de l’expérience argentine a été la redécouverte au niveau citoyen de la fonction principale de la monnaie, qui est de servir à l’échange. Pour cela elle doit être disponible en quantité suffisante. En période de crise, tout ce qui manque à tous ceux qui ont des compétences, des talents, des services à proposer, et autour d’eux une multitude de personnes prêtes à les lui acheter parce qu’elles sont dans le besoin, tout ce qui manque, c’est que ces personnes aient de la monnaie pour le payer, afin que lui puisse aussi à son tour acheter et payer pour d’autres biens et services. Ainsi tourne la roue de la fortune de tous et pour tous.

La principale caractéristique de la monnaie locale et solidaire, est d’être exclusivement une monnaie d’échange. Elle n’est pas destinée à être thésaurisée, accumulée, sinon elle manquerait à nouveau pour les échanges. C’est l’inconvénient principal de la monnaie officielle qui, elle, est thésaurisable et qui a tendance à se faire aspirer par les sphères financières et de Publiques au point de ne plus du tout être disponible pour les échanges horizontaux entre simples citoyens.

2ème leçon. La confiance est garantie collectivement

L’une des interprétations de la crise de 2002 qui a donné un coup d’arrêt momentané au Creditos, est que les personnes ayant la responsabilité d’émettre la monnaie ont cherché à s’enrichir en émettant trop de monnaie franche en échange de monnaie officielle. Cette crise rappelle le processus habituel des crises monétaires, spéculatives bien connues. Les seuls endroits où la confiance avait été maintenue, ont été les localités et les quartiers où les questions touchant la monnaie étaient débattues au niveau d’assemblées citoyennes capables de fonctionner sur le mode de la démocratie directe et qui étaient porteuses d’un grand projet de développement durable local. Ce sont ces manières de faire fonctionner la démocratie directe qui constituent la deuxième leçon de cette aventure. C’est seulement lorsque la monnaie est pensée et gérée pour exister « pour autrui », « pour la collectivité » autant que « pour soi-même » qu’elle génère suffisamment de confiance pour être acceptée de tous. La monnaie franche n’est plus confondue avec la richesse, elle est comprise comme le moyen d’assurer une prospérité commune mesurable en biens et services effectivement consommés. Les monnaies locales ne sont pas étrangères au fait que les courants et mouvements de « radicalisation de la démocratie » sont nulle part ailleurs au monde aussi forts que dans l’Amérique Latine d’aujourd’hui, continent qui est à la pointe de la remise en question du modèle néo-libéral ainsi que des recherche en sciences sociales appliquées en grandeur réelle à la démocratie.

3ème leçon la « radicalisation de la démocratie » nécessaire à la prospérité locale s’enseigne par la pratique

La « démocratie radicale » s’améliore par la pratique et se dissémine par bouturage, mais elle nécessite des « outils » et un apprentissage. Proche de ce qui était plus connu ici il y a quelques années sous le terme d’autogestion, la démocratie radicale s’enrichit d’expérience multiples à travers le monde entier et notamment des méthodes issues des sciences sociales appliquées à la lutte contre les dictatures sud-américaines.
L’une de ces méthodes complète la théorie des deux cerveaux (gauche pour la logique et droit pour la poésie) un troisième cerveau, le cerveau central, celui de l’action. Logique et créativité s’articulent par rapport à l’action et aux actions à mener.
C’est ainsi qu’Heloisa Primavera parcourt le monde pour y enseigner la « radicalisation de la démocratie » en démocratisant des outils et méthodes de créativité, d’intelligence et de décision collective adaptés aux assemblées associatives ou citoyennes.

Ces outils sont organisés autour des 3 idées-forces d’un programme baptisé « colibri » en référence au symbole de vivacité et d’initiative porté par cet oiseau en Amérique du Sud. Ces idées forces sont les suivantes :

1. Le pouvoir est un jeu inevitable, permanent et créatif
2. La planète est faite d’’abondance et non de rareté
3. Chacun a une responsabilité sur l’autre

La première idée-force consiste à faire du pouvoir un jeu que chacun peut s’approprier à tour de rôle. Il ne s’agit pas d’avoir peur du pouvoir mais de bien distinguer entre pouvoir de domination et pouvoir-service qui est la capacité de faire advenir. La circulation du pouvoir-service et la connaissance partagée des formes de pouvoir dans un groupe (cf. la théorie de la Triunité en notes) est au fondement de l’apprentissage ludique de la démocratie radicale. Elle s’inspire de la pratique autogestionnaire des responsabilités tournantes entre les participants, mais en l’élargissant à la création de multiples rôles destinés soit à protéger, soit à faciliter la croissance de la dynamique du groupe et qui en tout cas assurent l’implication d’un nombre important de participants d’une assemblée à la qualité de ce qui s’y passe. Les principaux rôles proposés, qui vont bien au-delà des classiques présidents et modérateurs de séance pratiqués dans les associations, sont par exemple :
Moniteur : Conducteur dans les transferts pédagogiques (de savoir, de savoir-faires, de savoir-être).
Réception : assure le bien être et les conditions de travail du groupe. Peut être évalué à la fin
Animation : ordre de parole
Chronos : gardien du temps, note le temps passé par chaque rôle
Secrétaire : prend des notes des choses principales et des engagements pour action
Idéaliste : élève le débat
Pragmatique : porte l’exigence du concrêt
Mystique : recul, envol
Evaluateur : pas de critiques, mais fait des propositions pour améliorer les performances
rareté/abondance : évalue ce qui manque, ce qu’il y a en trop
Entrepreneur / Solidaire /politique : pour action, à court terme, à plus long terme (politique)
Relax : 10mn pour inventer et faire
Alerte : intervient quand elle voit que qqun va s’endormir, ou pour stimuler le groupe
Détecteur de pouvoir : dit ce qu’il constate en terme de captation de pouvoir-domination sur le groupe ou de dynamique entre les 3 pouvoirs (officiel, anti-officiel, oscillant, cf. webographie ci-dessous).
Dictionnaire : explique les mots mal compris
Evaluation : parle en dernier par rapport à l’atteinte des objectifs du groupe
Esthétique : invite les gens à détecter la beauté autour d’eux. Déconstruire les canons de la beauté stéréotypée
Pouvoir / Ressource / Responsabilité : 3 idées forces du programme colibri
...

Ces rôles ainsi que d’autres outils d’apprentissage de démocratie radicale sont annoncés comme bientôt disponibles en Français sur le site d’Heloisa Primavera http://www.redlases.org.ar

De manière générale, un groupe se préserve lorsque ses participants ont conscience qu’en matière de démocratie, l’ordre du jour ou les objectifs d’une assemblée sont toujours moins important que la qualité de sa dynamique. La préservation du groupe est en effet la première condition de l’atteinte des objectifs.

PB - novembre 2005

webographie :

- pour obtenir les actes (textes, bibliographie) du colloque Monnaies et Solidarité, contact : Maison de la Citoyenneté Mondiale de Mulhouse 20, rue Paul Schutznberger 68200 Mulhouse tél. +33(0)3 89 33 97 86, email : mcm. arso@wanadoo.fr
- Site publiant des articles sur les monnaies solidaires http://caracoleando.org
- Sur la théorie triadique du pouvoir de W. Gregori. http://www.globaltriunity.net
- Sur les outils, les rôles et les méthodes d’apprentissage de la radicalisation de la démocratie. Site de Heloisa Primavera http://www.redlases.org.ar Traductions française des outils annoncée.


première mise en ligne 24 novembre 2005


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